Fisher Diver

Fisher-Diver (Browser)
2DArray

 

Quand j’ai commencé à jouer à Fisher-Diver, je ne savais pas vraiment dans quoi je me lançais. Je suis désormais allé jusqu’au bout, et j’avoue ne pas en savoir beaucoup plus.

 

Certes, il s’agit d’un jeu de pêche sous-marine au gameplay assez peu surprenant : On plonge pour pêcher des poissons, on dispose d’une jauge d’oxygène, d’un espace de stockage restreint et on revend le fruit de notre travail pour pouvoir se payer des upgrades : plus grande jauge d’oxygène, plus grand espace de stockage…

Pourtant…par une multitudes de détails, Fisher-Diver ne ressemble pas à un jeu de pêche. Aventurons-nous donc dans ses profondeurs. N’hésitez pas à remonter à la surface à tout moment pour vous faire votre propre idée du jeu. Les abysses regorgent de spoiler.

 

 

 

0 (Surface)

La première chose qui me fait tiquer, c’est l’auteur : 2DArray, principalement connu (par moi tout du moins) pour The Company of Myself, un puzzle-platformer très poétique. Pourquoi celui-ci qui se démarquait jusqu’alors par une certaine originalité nous sortirait-il un bête jeu de pêche ? Je n’ai absolument rien contre ce genre de jeu, mais il faut reconnaître qu’hormi quelques très honorables titres, c’est un genre qui a tendance à multiplier les jeux flash médiocres.

Je vais vite comprendre que Fisher-Diver fait partie des très honorables titres. Plus profondément, je realiserai que c’ést simplement le meilleur auquel je n’ai jamais joué.

 

-10m

Le second point troublant, ce sont les graphismes. Minimalistes, aux limites de la bichromie. Les poissons sont représentés par des cordons blancs autour desquels se forment des arêtes, souples et structurées, le pêcheur ressemble à un globe oculaire et le bateau, quant à lui, ressemble pourtant sans équivoque à un bateau. On aurait compris un gameplay plus figuratif, comme c’est le cas dans la plupart des jeux de pêche, on aurait compris un gameplay plus abstrait, pour le côté arty…mais ce mélange intrigue

 

-25m

Etrangeté du gameplay : quand je tire au harpon, c’est mon oxygène qui baisse. Je pourrais m’attendre à ce que ce soit plutôt mon temps passé dans l’eau qui me pénalise, mais non, mes réserves d’oxygène me permettent d’explorer la mer à loisir, seul la chasse me coûte.

 

-50m

Un nouveau détail m’interpelle : les poissons saignent. Ils saignaient aussi dans Radical Fishing par exemple…mais c’est différent. Dans Radical Fishing je me réjouissais de cet aspect gore, je prenais un plaisir fou à voir les poissons se déchiqueter dans les airs. Ici, c’est différent. Je peux voir les segments qui les composent se disloquer, je peux les voir continuer à nager, estropiés, attendant mon coup de harpon final. Malgré leur représentation abstraite, je ressens la souffrance de ceux que je chassent, et je me sens un peu mal.

 

-75m

J’ai fait un cauchemar. C’était effrayant. Je ne chassais plus les poissons, ce sont eux qui me chassaient, et ils étaient énormes ! Bien plus gros que tous ceux que j’avais eu l’occasion de voir auparavant. Je ne sais pas quoi en penser. Depuis quand les jeux de pêches offrent des voyage vers l’inconscient de leur avatar ? Est-ce que je dois me sentir coupable ?

Les nuits suivantes, j’attends de nouveaux rêves, espérant avoir plus de pistes, mais rien ne vient. Il n’y a que les fantômes des poissons tués pendant la journée qui hantent l’écran de menu.

 

-100m

J’ai trouvé ce qu’on appelle un guffin. Je n’ai aucune idée de ce que cela peut-être. Il semblerait que cela ait de la valeur puisque cela me permet d’acheter des licences de pêche. Cela ne me dérange pas, je collectais bien des anneaux dans Sonic sans que cela ait beaucoup plus de sens. Ce qui m’intrigue surtout, c’est que ce guffin comporte un message, une page de journal intime. Est-ce qu’on voudrait finalement me raconter une histoire ?

 

-200m

Un poisson m’a mordu ! Exactement comme dans mon rêve ! Je suis devenu rouge de douleur, mais de rage aussi. Je l’ai transpercé de part en part, transformé en bouillie, et suis remonté à la surface aussitôt sans même en récupérer la viande. De nouveau sur mon bateau, j’ai un peu regretté mon geste. Après tout, c’est moi qui l’avais harponné le premier…je crois que j’ai simplement paniqué. J’espère quand même ce genre d’incident ne m’arrivera plus.

 

-300m

Je commence à me familiariser avec le gameplay, il s’avère bien plus subtil que je ne le pensais. Il y a des manières de gagner plus d’argent en pêchant : s’attaquer aux poissons pourvus de multipliers, tenter de les amocher le moins possible…J’ai aussi investi dans une série d’upgrades, maintenant je dispose d’une boussole pour ne plus perdre mon bateau, je peux plonger plus loin, plus longtemps et mon harpon est plus efficace. Je n’ai plus vraiment de scrupule à tuer les poissons. Après tout, Fisher-Diver semble n’être qu’un jeu de pêche un peu arty.

 

-500m

Le problème, avec les jeux de pêche, c’est que ça m’ennuie. Celui-ci en particulier n’offre rien qui puisse donner l’envie de continuer. Tous les poissons se ressemblent, ils sont simplement de plus en plus gros dans les profondeurs. Ils ne présentent pas non plus vraiment de danger, une fois qu’on a pris le coup, on arrive à remonter plusieurs centaines de dollars par plonger sans aucune difficulté. Lassé, je deviens alors de plus en plus téméraire, je m’aventure dans les profondeurs et vais chasser les plus gros bestiaux sans me soucier de ma jauge d’oxygène. Fatalement, arrive le moment où je suffoque, où l’écran se met à clignoter, de plus en plus rapidement. Je nage vers la surface pour tenter de reprendre mon souffle mais c’est trop tard : je suis mort.

 

-501m

Ce…ce n’était qu’un rêve ?

 

-600m

Je ne comprends plus bien…est-ce que je rêve ou non ? Je ne vois qu’une seule manière de le savoir. Je plonge à nouveau vers le fond jusqu’à croiser les monstres qui font dix fois ma taille. Je les agresse de mon harpon, puis me laisse déchiqueter dans leurs gueules. J’ai l’impression de souffrir, mais qui sait ? Bientôt, je serai mort.

 

-601m

Encore un rêve. Celui de la première nuit était donc prémonitoire ?

 

-1000m

Plus rien n’a de sens. Le challenge de l’oxygène et des morsures était peut-être la seule chose qui m’encourageait à jouer encore. Maintenant, il ne reste que plus que de la patience, et je ne suis pas patient pour ce genre de trucs, il n’y a même pas l’air d’y avoir de récompenser à la clef. Ah tiens ! J’avais oublié les gruffins, ces pages de journal intime. Je n’en ai récolté que deux ou trois, et si je partais à la recherche des autres ?

 

-2000m

Je ne plonge désormais plus pour tuer, j’ignore prodigieusement les poissons qui passent à ma portée et je me concentre sur mon radar. Je trouve les gruffins petit à petit, dès que j’en ai deux, je m’empresse de rentrer chez moi pour les lire. Ils me racontent une histoire, me parlent d’un projet fou, je suis en haleine.Très vite, j’ai en ma possession tous les guffins, et je découvre la supercherie. On m’a roulé, ces messages n’étaient pas volés à un journal intime, ils m’étaient destinés depuis le début, ils n’étaient là que pour me faire plonger encore en encore. Je suis déçu, mais en même temps, j’ai désormais assez de gruffins pour acheter ma dernière licence de pêche et plonger jusqu’au fond de la mer.

 

-5000m

Je n’ai rien d’autre à faire que de nager, de plus en plus profondément, de me laisser envelopper par les ténèbres et de me guider à la lueur de ma seule lampe torche. Je croise des poissons gigantesques, des titans devant provenir d’âges préhistoriques. Je les évite prudemment et continue ma descente. J’espère toucher le fond bientôt.

 

-10000m (les abysses)

Je trouve un dernier guffin. Il a était laissé là exprès. On m’attendait, on m’a manipulé depuis le début ! Fisher-Diver n’est pas un jeu de pêche !

Un autre plongeur apparaît alors. L’auteur du journal intime ? Moi-même ? Difficile à dire compte tenu qu’il est mon exact semblable. Je m’approche, espérant trouver dans un écran de dialogue l’ultime explication, mais celui-ci me harponne comme un vulgaire poisson. J’ai mal. Je comprends que je n’ai maintenant que deux alternatives : tuer ou être tué.

Et cette fois ce n’est pas un rêve.

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7 Comments

  1. Mouarf, « I now know how half of the hunt ending feels like ».
    Doit y avoir un moyen de poinçonner ce Captain Connel mais il faut admettre que dans le domaine de la danse du harpon, il s’y connait redoutablement.

    Cette histoire de (Mac)Guffin, ces notes, l’oppression croissante des profondeurs… très Hitchkockien tout ça !

    Dans les musiques et dans cette quête étrange, il m’a semblé aussi me retrouver un peu dans l’ambiance de Submachine du génial Mateusz Skutnik.

  2. Aaah tu as raison, c’est guffin, pas gruffin, faut que je corrige. Par contre, pour le côté hitchkockien j’ai du mal à voir, il faut dire que pour moi hitchkock c’est surtout les oiseaux, vertigo et fenêtre sur cour…plus des hauteurs que des profondeurs. Ma culture cinématographie est peut-être à combler.

    Je vois plus pour l’ambiance de Submachine…un côté claustrophobique des profondeurs peut-être (je suis sûr que ça a un vrai nom)

  3. Une Thalasso-claustrophobie 😀 ?

    En fait le côté Hitchock c’est dans le « complot étrange » que je le raccroche tant bien que mal. Mais en fait c’est surtout le Guffin qui m’a interloqué.

    Le Mac Guffin qu’on associe souvent à Hitchock désigne un élément de scénario mystérieux, un objet quelconque, un truc, un prétexte pour le « plot ».

  4. C’est marrant, à l’inverse de ce que tu racontes dans ta revue, j’ai adoré traquer ces énormes poissons au fond de l’eau. Et l’impression de profondeur est vraiment bien donnée. Ah ! Ca me donne des idées tout ça.

  5. Sakutei, pour le Guffin, tu m’as entièrement convaincu, je suis persuadé que c’est lié à ça du coup.

    Flap : moi aussi j’ai adoré en fait, mais je romance un peu 😉

  6. Un bon exemple de Mac Guffin, c’est la mallette d’or de Pulp Fiction. On ne voit jamais l’intérieur, elle est moteur de scénario, mais n’a finalement que très peu d’importance.

  7. J’essaye depuis avant-hier de trouver mon propre exemple de McGuffin en vain 🙁

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