« Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture. »
Paul Lafargue, Le Droit à la Paresse.
Les Life’s a bitch simulators, ou simulateurs de chienne de vie (à ne pas confondre avec les simulateurs de vie de chien et simulateurs de vie en chien) sont avant tout des jeux emprunts de réalisme. Pas le réalisme graphique des grosses productions vidéoludiques, mais le réalisme littéraire, celui de Balzac, de Mérimée, de Zola. Le Life’s a bitch simulator, c’est Germinal.
Popularisé par Cart Life puis Papers, Please dans la scène indé, le Life’s a bitch simulator (abrégé LabSim) simule la vraie vie, celle de monsieur tout le monde, et donc bien souvent l’exercice d’un métier banal, d’un boulot tiède, d’un labeur rance, de quelque chose dont vous n’avez sans doute jamais rêvé enfant. Quand la plupart des simulateurs se veulent amusants, addictifs ou instructifs, le LabSim ne cherche qu’à nous faire ressentir le poids du quotidien, ses petits moments de joie et ses longs moments de frustration et d’ennui. La frontière entre un bon LabSim et un mauvais jeu de simulation est parfois ténue, et faute de mieux, il n’y que l’intention pour les différencier. Tout réaliste et ennuyeux qu’il est, Euro Truck Simulator a été conçu dans le but de plaire à une niche de joueurs, à l’opposé de Desert Bus dont le gameplay pourtant très similaire se voulait une critique potache des discours de diabolisation du jeu vidéo.
Avec le temps, les LabSims ont pris un tournant plus engagé, au point où on pourrait presque les qualifier de newsgames : Unmanned met en scène des attaques de drones au Moyen-Orient (sujet d’actualité depuis 2012), Papers, Please le poste de frontière d’un état dictatorial (sujet d’actualité dystopique depuis 1984), Cart Life et tant d’autres l’aliénation du travail (sujet d’actualité depuis 1844). Mais si tous ces jeux véhiculent souvent leur propos à travers les mêmes tâches répétitivités, les mêmes choix artificiels et la même rhétorique de l’échec, ils sont loin de tous avoir le même gameplay. C’est que le LabSim dépend moins de ses règles que de ses réglages. Côté gameplay, Worthy Life est ainsi très similaire au jeu à upgrades Knightmare Tower et rien ne le destine a priori à la critique sociale. Ce n’est qu’en augmentant le prix des upgrades, en baissant leur efficacité, bref, en modifiant de simples variables que Worthy Life devient ridiculement long, terriblement vain, et par conséquent la superbe métaphore d’une vie à travailler.
En 1880, Paul Lafargue écrivait dans son Droit à la Paresse : « Convaincre le prolétariat que la parole qu’on lui a inoculée est perverse, que le travail effréné auquel il s’est livré dès le commencement du siècle est le plus terrible fléau qui ait jamais frappé l’humanité, que le travail ne deviendra un condiment de plaisir de la paresse, un exercice bienfaisant à l’organisme humain, une passion utile à l’organisme social que lorsqu’il sera sagement réglementé et limité à un maximum de trois heures par jouer, est une tâche ardue au-dessus de mes forces ; seuls des physiologistes, des hygiénistes, des économistes communistes pourraient l’entreprendre. »
Il oubliait les développeurs de LabSims.
LabSims notables:
Get a job
Everyday The Same Dream
A Tale About life, death, and a loser
Pourriels Corp
Everyday I’m working
Ceci est le quatrième article de l’OUJEDICO, rubrique s’intéressant à des sous-sous-genres de jeux vidéo, reconnus ou inventés. Son existence a été rendue possible grâce aux dons des lecteurs sur mon Tipeee. S’il vous a plu et que vous désirez en lire d’autres (ou que vous souhaitez simplement soutenir mon travail) vous pouvez donner 1€/mois à l’Oujevipo.
ROFLMAOZEDONG
Bleubleubleu
Un seul lien qui marche, peasant simulator
Et d’ailleurs le lien pour game side story donne sur gamesphere.
Au plaisir de te relire,
Bisous
Pierrec
Olala merci. On dirait qu’il y a eu un gros problème de formatage. On va mettre ça sur le compte du 1er avril