Beneath the waves

Beneath the waves (Browser)
Gregory Weir

 

Au début du monde, le Soleil et la Mer étaient amants. En gage d’amour, le Soleil donna alors à la mer huit présents, huit précieuses idoles pour façonner les fonds marins. Puis la terre vint les séparer, et le Soleil et la Mer se répartirent la vie de part et d’autre de cette frontière. Le Soleil à la surface, la Mer sous les vagues.

Un équilibre était créé, et les choses auraient pu continuer ainsi, mais l’amour est bien capricieux, et les amants ne pouvant désormais plus se regarder dans les yeux, le « sale petit bonhomme » de Georges Brassens vint récupérer ses flèches, maintenant pour eux superflues.

 

Tel est la situation initiale de Beneath the waves, celle d’un conte, d’une tragédie grecque, d’un mythe fondateur.

 

 

La première approche de ce jeu peut surprendre. D’abord son introduction griffonnée en noir sur blanc, et blanc sur noir qui donne une impression de bâclage, ensuite, l’ouverture sur le jeu : un décor de jeu de plateforme assez classique, avec différentes textures pas vraiment belles, un pixel art pas des plus joli, et de grossières indications de gameplay taillées dans la roche. On se balade un peu avec les flèches directionnelles, on sautille de bloc en bloc avec x, on se dit « encore un » et on se remémore tous les jeux de plateformes de pixels, pâles imitations de Knytt Stories, qui nous ont été donné d’essayer, et que l’on a jamais terminé. Puis, on plonge.

 

On plonge et soudain, c’est tout autre chose. Ce pixel art qui nous avait dérouté, voilà qu’on le trouve charmant, ce gameplay qui nous ennuyait déjà, voilà qu’il nous surprend. A partir de cet instant, on le sait : on jouera à Beneath the waves jusqu’au bout.

 

Comme l’annonçait son introduction, Beneath the waves se sépare en deux mondes. Et comme l’annonçait son titre, le meilleur est ce qui se passe sous les vagues. Si la partie émergée nous rappelle Knytt Stories, Endeavor, la partie immergée quand à elle fait écho à de tout autres gameplays, à commencer par celui d’Ecco, justement, le seul dauphin que je respecte, mais aussi au, parait-il, superbe Aquaria, qui est installé sur mon PC et auquel je n’ai pas encore trouvé le temps de jouer.

Le connaisseur de Gregory Weir, y reconnaîtra également le gameplay de Waves, son brouillon, mais surtout la créature de The Majesty of Color, prétexte au soleil pour reprendre ses idoles.

 

En mêlant ainsi ces deux gameplays, Beneath the waves devient unique et savoureux. Mais ces deux mondes, évoqués plus haut, ne se distinguent pas seulement par leur gameplay. Il y a d’abord leurs émissaires, celui de la mer, le Krakken, incarnation féminine de la sagesse, et celui du soleil, le plongeur, le joueur, incarnation masculine de la fougue.

 

Il y a aussi ce cadrage paradoxal : Étroit sur la terre que pourtant le Soleil illumine de ses rayons, large dans les profondeurs pourtant ténébreuses. Il semble que contrairement aux apparences, le plus clairvoyant des deux amants soit la Mer, et que le Soleil, aveuglé par sa propre lumière, ne voie pas plus loin que le bout de son nez. C’est justement lui, le jaloux, qui mettra fin à leur idylle, envoyant son émissaire récolter les huits idoles, sans même se douter des conséquence que cet acte engendrera. La Mer, elle, le sait, et accepte impuissante ce sort tragique, telle une héroïne de Racine.

 

Enfin, il y a la vie, fourmillante dans les eaux, inexistante sur la terre, si ce n’est que quelques arbres et bruyères que le soleil n’a pas ravagé et le cri des mouettes que l’on entend au loin. Là encore, la Mer a le beau rôle, celui de mère, alors que le Soleil fait un bien piètre papa.

 

En nous mettant dans le rôle du plongeur, Gregory Weir nous condamne à être l’élément perturbateur de cette tragédie, celui par qui le mal arrive, c’est un lourd fardeau à porter, et le Krakken, notre correspondant marin, ne manquera pas de nous le rappeler. On aimerait trouver une autre dénouement, réconcilier les amants, rétablir un équilibre, mais cette fois-ci, Gregory Weir n’offre pas de fin alternative.

Celui qu’on croyait mythe fondateur se révèle alors mythe destructeur, et c’est encore un couplet de Brassens qui me vient à l’esprit :

 

Il brûla nos trophées, il brûla nos reliques,
Nos gages, nos portraits, nos lettres idylliques,
Bien belle fut la part du feu.
Et je n’ai pas bronché, pas eu la mort dans l’âme,
Quand, avec tout le reste, il passa par les flammes
Une boucle de vos cheveux.

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3 Comments

  1. Pnume

    Attention, commencer à jouer à Aquaria conduit à une addiction certaine, j’en ai fait les frais 🙂

  2. Pnume

    Sinon, rien à voir, une bien jolie découverte : http://www.indiedb.com/games/broken-dimensions

    Tu prends un donjon de Zelda, rajoute des casse tête basés sur la physique, une ambiance morbide et foutrement étrange.

    Par contre je ne suis juste pas sûr que tu puisses l’installer sans Desura (une plateforme comme Steam, mais très spécialisé dans l’indie).

  3. misterleon

    oooh ce jeu est vraiment prenant!

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