Paperplane

Paper Plane (Windows)
9 étudiants de l’Enjmin

 

Je me souviens des avions en papier.

 

Je me souviens qu’il fallait d’abord plier la feuille en deux dans le sens de la longueur, la déplier, replier le nez de l’avion selon l’axe ainsi formé, puis plier de nouveau la feuille en deux pour former les ailes.

 

Je me souviens de multiples variantes : nez replié pour les acrobaties, ailes plus larges pour les planeurs, feuilles carrées pour les chasseurs…

 

Je me souviens que Attention! Tu peux crever un œil avec ça!

 

 

 

Je me souviens avoir enflammé des avions du haut de ma terrasse et le regarder se consumer sur le toit des voisins.

 

Je me souviens de ma terrasse. Je me souviens du toit des voisins.

 

Je me souviens de concours à l’école, de qui ferait voler son avion plus loin.

 

Je me souviens de la cour de l’école, je me souviens de ma déception à voir le mien s’écraser au bout de deux mètres.

 

Je me souviens aussi d’hélicoptères, alourdis par un trombone, et découpé dans des feuilles d’origami.

 

Je ne me souviens pas de comment on fait ces hélicoptères.

 

Je me souviens des escaliers du château desquels on les lançait, je me souviens des journaux et des dessins de dinosaures que l’on faisait sur ces marches, et que l’on tentait ensuite de vendre aux touristes pour 10 francs.

 

Je me souviens du bureau de ma mère, et de cet aimant à trombone, intarissable source d’amusement.

 

Je me souviens de Flight Simulator, je me souviens de mon incapacité a faire atterrir un avion. Je me souviens de Lise, avec qui et chez qui je jouais. Je me souviens de son père qui passait sous les pieds de la Tour Eiffel.

 

Je me souviens, des années plus tard, que l’on m’a dit que c’est sur ce jeu que les terroristes s’entraînaient. Je me souviens avoir pensé que eux non plus, ne savaient pas atterrir.

 

Je me souviens de Jean-Charles qui voyant un avion passer dans le ciel ne pouvait s’empêcher d’étaler sa science, de reconnaître le type d’avion au simple vrombissement du moteur.

 

Je me souviens ne l’avoir jamais cru. (Jean-Charles, si tu passes par là…)

 

Je me souviens d’une compagnie d’avion fictive que j’avais inventée : Mother Phoque Air. Je me souviens avoir trouvé ça drôle à l’époque.

 

Je me souviens de rêves dans lesquels je volais.

 

Je me souviens d’autres rêves dans lesquels je faisais tout autre chose.

 

Je me souviens de ma chambre, de ses murs blancs et de mon lit douillet, de l’époque où cette chambre était un espace de jeu, et non une bibliothèque que je venais consulter tous les trois mois.

 

Je me souviens de mon premier vol en avion, pour aller en Bretagne.

 

Je me souviens du bonbon à sucer que l’hôtesse m’avait donné.

 

Je me souviens de la Bretagne, de l’album photo que j’en ai fait.

 

Je me souviens d’un avion géant en carton et recouvert de papier aluminium, réalisé en CE1, ou en CE2, ou en CM1 pour un spectacle de l’école, ou pour un carnaval, ou pour le plaisir.

 

Je me souviens de mon professeur de CE1, et d’un pigeon nommé Armand.

 

Désormais, je me souviendrais aussi de Paperplane.

 

Derrière son apparente simplicité, Paperplane cache un véritable travail sur le souvenir d’enfance et sur la mémoire. Ce qu’on aurait pu prendre pour un, certes magnifique, simulateur de vol d’avion en papier se révèle être en réalité un poignant memento. Effleurez, traversez, tournez autour des éléments du décor pour leur rendre leurs couleurs et faire rejaillir de nouveaux souvenirs. Remplacez peu à peu vos souvenirs flous d’enfant, immortalisés par le dessin sur un cahier d’images, par des souvenirs tangibles, de qualité photographique. Adoptez ces souvenirs qui ne sont pas les vôtres, ajoutez les vôtres à la foule de ceux-ci. Je vous souhaite bon vent, et surtout de bien profiter de cette expérience dans laquelle, pour une fois, l’important n’est pas atterrissage…mais la chute.

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11 Comments

  1. Superbe article 🙂

  2. Je me souviens l’avoir essayé au forum de l’animation aux Halles avec l’un des étudiant de l’ENJMIN. J’ai bien aimé.

  3. Eldaryze

    Très poétique en tout cas ! 🙂

  4. manousche

    chouette article, et c’est aussi un très beau jeu…

  5. admin

    Merci pour vos compliments. J’espère surtout que je suis parvenu à rendre un peu de l’esprit du jeu.

  6. manousche

    oui, c’est tout-à-fait dans l’esprit, avec cet élément qui nous en rappelle un autre, qui lui-même nous en rappelle un autre, etc…
    D’ailleurs je crois que le jeu prend tout son sens lorsqu’on y joue pour la deuxième fois : on se souvient alors que voler autour de l’arbre fait apparaitre la table de jardin, que voler dans le pneu révèle le toboggan et on finit par reconstituer peu à peu notre première expérience de ce jeu…

  7. carton

    Encore un texte OuLiPien ! Pierrec = Perrec ?

  8. admin

    @manousche : Waouh. Tu viens d’inventer le concept de méta-souvenir!

    @carton : C’est l’idée 😉 . Par contre c’est Perec, avec un seul R.

  9. Merci pour vos compliments (ceux pour le jeu parce que l’article j’y suis pour rien), l’article fait plaisir parce qu’on se demandait si les gens allait tout comprendre et là y’a presque tout ce qu’on y a mis. Non pas que le propos soit hyper complexe cmais les gens ne creusent pas souvent quand il s’agit de jeu vidéo…

  10. J’avoue moi-même ne pas avoir tout saisi à paperplane la première fois. (enfin la deuxième, parce que la première fois, il me manquait la manette). Je suis bien content d’avoir persévéré

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