Comfort Zone (Windows, Mac)
Phen
Voilà déjà quelques jours que j’enchaîne les jeux de la Ludum Dare 22 en vue de les noter et parfois, de découvrir des merveilles. Pour rappel (au cas où), la Ludum Dare est une compétition qui consiste à créer un jeu en 48h (72h pour la Jam, version étendue et collaborative). Les participants peuvent par la suite noter les autres jeux de 1 à 5 selon 6 grands critères : Thème, Innovation, Fun, Graphismes, Audio, Humour/Humeur (j’ai tendance à regrouper ces deux derniers), auxquels s’ajoutent Communauté, critère qui a moins à voir avec le jeu qu’avec l’implication de l’auteur, et la note générale.
Comfort Zone est le premier jeu de cette Ludum Dare auquel j’ai accordé 5 tous critères confondus.
Pourquoi tant d’enthousiasme pour un jeu qui n’est sans doute ni le plus original, ni le plus beau, ni le plus fun, ni le plus en accord avec le thème, ni le plus puissant émotionnellement, ni qui ne possède la meilleure bande son ?
Je me le demande encore, mais je vais tenter de répondre, point par point.
Thème.
Rappelons-le, le thème de la LD22 était « Alone », seul. D’accord le personnage de Comfort Zone est seul, mais c’est finalement le cas pour la majorité des jeux vidéo. Non, la solitude de Comfort Zone réside ailleurs. Il est facile d’intégrer un thème dans les graphismes ou dans la narration d’un jeu, il l’est beaucoup moins de l’intégrer au gameplay. Phen fait encore mieux.
Tant que le personnage de Comfort Zone est seul, le jeu demeure un jeu d’arcade assez traditionnel, avec des items à collecter et des obstacles à éviter, ce qu’on appelle communément un dodge-and-collect. Mais dès qu’un autre être entre dans la danse, le gameplay est soudainement altéré. Lorsqu’il se sent observé, le personnage se voit ralenti, le gameplay se fait moins fluide, le jeu moins amusant. Le joueur se prendra donc à recherche la solitude, non pas pour gagner ou faite avancer une quelconque histoire, mais simplement pour jouer dans les conditions optimales.
Comfort Zone n’a pas cherché à intégrer la solitude dans son gameplay, il a simplement pointé du doigt, avec une argumentation exemplaire, le fait que ce gameplay, somme toute traditionnel de jeu vidéo, était d’ores et déjà en accord parfait avec le thème. 5/5.
Innovation.
Suite logique de ce qui a été avancé précédemment, Comfort Zone a quelque chose de profondément original. Il ne s’agit pourtant pas d’un de ces jeux qui rompt radicalement avec les gameplays existants, d’une de ces bizarreries qui impose au joueur de remettre en cause tout ce qu’il a pu apprendre tout au long de ses expériences vidéo-ludiques. Vous savez à quel point j’adore ces bizarreries, mais j’admire plus encore l’humilité de Comfort Zone.
Comfort Zone ne révolutionne rien, il se contente de mettre en lumière le potentiel encore vaste de l’antique dodge-and-collect hérité de Pacman. Pourquoi aller explorer des contrées lointaines en quête de nouvelles richesses quand une mine d’or encore si peu exploitée se trouve juste sous nos pieds ? 5/5.
Fun
Ce critère est généralement celui par lequel pêchent la plupart des jeux trop originaux. Un 5/5 en innovation est souvent le signe annonciateur d’un 3/5 en fun, à la fois punition et encouragement « Je me suis fait chier au bout de deux minutes. Ton idée est géniale, tu dois vraiment réussir à l’exploiter ». Comfort Zone, lui, n’a pas besoin d’encouragements. Il rend d’abord curieux, sceptique peut-être, puis peu à peu, il laisse découvrir son concept original et accroche le joueur, ce dernier se prend alors au jeu, intrigué, puis ravi. Son enthousiasme grandit alors qu’il pénètre cette immense salle condensant toutes les précédentes idées de level design, il atteint le point culminant de l’excitation et PAF ! C’est terminé. Comfort Zone laisse ainsi le joueur gonflé à bloc devant son écran sans la moindre trace de frustration, comme après le bouquet final d’un feu d’artifice.
Comfort Zone se permet qui plus est de récompenser sans punir. Le mauvais joueur ne fera jamais face à un écran de game over. Il finira le jeu, laborieusement, avec l’impression d’avoir relevé un difficile challenge. Le bon joueur, lui, sera récompensé par la vitesse grisante de son personnage et la fluidité de la partie qu’il vient de joueur. Le joueur hardcore enfin, se verra confronté à un challenge à sa hauteur : récolter la totalité des bonus sans se faire toucher, et pourquoi pas, trouver la fin alternative. Tout le monde a ainsi l’opportunité de passer un bon moment. 5/5.
Audio
Audio regroupe à la fois musique et effets sonores. Comfort Zone se démarque dans les deux catégories. D’un côté, un morceau de 53 secondes seulement, à la fois enjoué et lancinant, minimaliste, fondu dans une boucle dont on a du mal à déterminer la jointure.
De l’autre, des effets sonores enregistrés au micro (ce qui change un peu de Sfxr), principalement une lente et pénible respiration accompagnant parfaitement le poids des regards, et la difficulté à se mouvoir en la présence de ces voyeurs. Bref, quelque chose en parfait accord avec le gameplay, qui accompagne discrètement le joueur, soit ce qu’on attend de l’audio dans un jeu. 5/5.
Graphismes
Sans doute le critère le plus difficile à défendre. Comfort Zone ne paye en effet vraiment pas de mine, et j’ai moi-même pensé lors des premières secondes de jeu que j’avais affaire à un autre de ces projets pas finis n’employant que des placeholders (ces graphismes vite torchés que l’on utilise pour tester les mécanismes du jeu et qui au final par flemme ou manque de temps ne seront jamais remplacés). En fait, c’est le cas. Mais il y a quelque chose dans la géométrie des formes et l’harmonie des couleurs qui ne peut pas laisser indifférent. La simplicité des graphismes répond parfaitement à la simplicité du gameplay et quelque chose de plus complexe et soigné n’aurait pu que nuire à l’expérience. 5/5
Humour/Humeur
Certes, l’humour n’est pas présent dans Comfort Zone, mais celui-ci est parvenu à me mettre de si bonne humeur que je suis en train de confondre en éloges. Si ça ne mérite pas son 5/5…
Overall
On l’a compris, Comfort Zone n’excelle dans aucune catégorie, ce n’est pas un jeu magnifique, ce n’est pas un jeu ultra addictif, c’est un jeu complet, tout simplement, dans lequel rien n’est laissé au hasard, et dans lequel tout compte. Pas une qualité ne vient éclipser les autres,pas un défaut ne vient le tirer vers le bas.
En signant cette perle, Phen prouve ainsi qu’il n’est ni graphiste, ni écrivain, ni codeur : il est auteur de jeu vidéo. 5/5.
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