Ten Weeks (Windows)
Leaf Thief
L’amnésie du personnage principal est un des plus gros poncifs scénaristiques du jeu vidéo,juste après la demoiselle en détresse, mais si elle est souvent employée par facilité (FFVII, Bioshock Infinite…), il arrive que cette amnésie soit en fait le moteur du récit et engendre des œuvres d’une intelligence et d’une sensibilité rares (Planescape Torment, Sanitarium…). Ten Weeks vient rejoindre cette deuxième catégorie, mais en douceur, sur la pointe des pieds, comme s’il ne voulait pas déranger.
Ten Weeks nous met dans la peau et dans le crâne de Stéphanie, et dans son crâne, c’est compliqué depuis son AVC. Paralysies partielles, pertes de mémoire : le caillot ne lui a vraiment pas fait de cadeau. Mais Ten Weeks ne cherche pas à nous faire pleurer, plutôt à nous faire éprouver. Les afflictions qui frappent Stéphanie nous frappent nous aussi, à travers les graphismes pour la prosopamnésie, le gameplay pour la paralysie et les dialogues pour tout le reste. On ne naît pas amnésique, on le devient, et ce que Ten Weeks nous fait ressentir de façon magistrale.
La plupart des jeux vidéo mettant en scène l’amnésie sont des quêtes de la mémoire perdue, Ten Weeks est une quête pour la vie. Il ne s’agit pas d’essayer de se souvenir, il s’agit de s’efforcer de ne pas blesser les gens, de ne pas les effrayer, de ne pas laisser nos problèmes physiques et psychiques peser trop lourd sur notre famille. Leurs visages nous échappent, la notion du temps nous échappe, mais on peut encore faire semblant, ne serait-ce que pour les rassurer, et on pourra même avoir l’impression d’y arriver avant que l’intelligence de Ten Weeks nous frappe en pleine figure.
Au-delà de son génie narratif, Ten Weeks s’illustre par ses superbes graphismes auxquels Leaf Thief nous a déjà habitué, mais aussi par sa façon de traiter la maladie mentale avec humanité quand elle est souvent dans le jeu vidéo cantonnée au thriller et à l’horreur. À noter que pour saisir toute l’ingéniosité de Ten Weeks, il est préférable d’y jouer une deuxième fois, mais expliquer un tour est aussi le meilleur moyen de lui enlever sa magie. Je vous laisse vous dépêtrer de ce dilemme.
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