MFA Prep Course (Browser)
Marek Kapolka / John Bruneau
Je porte une nouvelle cigarette à ma bouche avec adresse, comme si j’avais déjà fait ce geste un million de fois. Peut-être est-ce le cas, j’ai trop peur de calculer. De la main droite, je saisis mon zippo et rougis l’extrémité du tube blanc. Je le garde en main encore quelques secondes au cas où le tabac n’avait pas pris. Déjà, ma main gauche s’ennuie, et s’empare alors de la tasse vide pour la remplir dd café. Noir le café.
Afin que ma cigarette ne tombe fraise la première dans la tasse, gâchant ainsi et l’un, et l’autre de mes plaisirs, je libère ma main droite du briquet pour la retirer, et vide mes poumons de toute sa fumée. J’approche enfin le café de mes lèvres. Trop chaud. En trouvant la bonne inclinaison je parviens à souffler de manière efficiente sur la surface du liquide, sans que sa vapeur ne vienne brouiller mes lunettes.
La première gorgée lave langue et palais de la sécheresse dont ils étaient tapissés. Elle a un goût de cigarette. La deuxième gorgée, enfin, a un goût de café, tout comme l’aura la prochaine bouffée de cigarette que je m’empresse de tirer.
A cet instant précis, je touche à l’équilibre parfait, un petit morceau de bonheur arraché à grands renforts de drogues douces et légales. La cigarette efface l’âpreté du café, le café fait glisser le goudron de la cigarette. Mais ce moment est court, très court, et le faire durer est une utipie, un compromis hypocrite : Le café refroidira, le tabac se consumera.
J’en arrive à cette dernière bouffée, qui pourrait être la pénultième. Il y a encore du blanc au bout de mes doigts, je pourrais m’en offrir une dernière, mais mon plaisir ne saurait être mesquin. Je fais voler le mégot d’une pichenette. Et maintenant ?
Résumons la situation pour qui se serait perdu en route : Dans ma main gauche, il y a une tasse de café, que je préfère voir à moitié pleine, dans ma main droite, rien.
Mes doigts s’engourdissent, s’atrophient, je suis assis là, à ne rien faire, mais je ne peux supporter de ne rien faire. Droitier de naissance et de cœur, je fais glisser la tasse d’une main à l’autre. Un stratagème qui me fait gagner quelques secondes, mais qui rencontre bien vite ses limites. Je ne vais pas plus longtemps jongler avec de la porcelaine.
Allumer une cigarette ? Pas déjà !
Ce n’est pas parce qu’elles sont précieuses, pour tout dire : j’ai de quoi tenir plusieurs jours, mais je viens tout juste d’en éteindre une ! Je ne tiens pas à renvoyer cette image de moi, celle d’un homme qui ne peut passer trente secondes sans avoir un truc à la bouche, un truc à la main. Ce me serait préjudiciable, d’autant que c’est exactement ce que je suis.
Non, un délai est de rigueur. Il ne se calcule pas en temps, mais en occupation. Il me faut simplement occuper mes doigts assez longtemps pour que la première cigarette soit oubliée. Je reprends une gorgée de café, et de l’autre main, saisit mon téléphone portable. Pas de nouveaux messages. Juste un chiffre. L’heure sans doute ? Je ne sais pas, je regarde sans voir.
Je pourrais explorer le menu, écrire un texto…mais je suis trop paresseux de la main gauche, je préfère encore saisir une cigarette : Je commence à me lasser du café.
Je réitère l’opération du zippo, mais de la senestre cette fois. Pas de différence majeure à relever : L’avantage des zippo sur les briquets à molette, surtout ceux avec la sécurité enfant. Foutus gosses.
Me revoilà avec mon café et ma clope, mais le plaisir n’est plus le même. Comme le dit Delerm : on boit pour oublier la première gorgée, on fume pour oublier la première taffe, ouais. De plus, ma tasse est bientôt vide, je sais que je vais devoir la remplis d’ici peu et cette seule perspective annihile mon appréciation de l’instant. Autant y remédier tout de suite, avant la déception de la gorgée fantôme : celle qui n’a que sucre et résidus à offrir. Et je ne sucre pas mon café.
Je tends le bras droit vers la machine qui, saisissant le sens de ce geste, remplit ma tasse de 15 nouveaux centilitres de jus noir. Je porte la tasse à mes lèvres, l’incline, puis horrifié recrache la totalité du liquide. Le reste du café froid de la tasse précédente s’est mélangé au nouveau café chaud, donnant naissance à un imbuvable tiède. De quoi se dégoûter. Rhaa ! J’ai besoin d’une clope pour faire passer ça ! Je repose la tasse en vitesse, tire une nouvelle cigarette du parquet, l’allume, en aspire la fumée et…
…constate que la précédente, à l’extrémité incandescente, trône fièrement entre l’index et le majeur de ma main gauche.
Merde.
Blackcorn
Ravi (et agréablement surpris) de voir une telle review de MFA Prep Course !
Il me faut ton pseudo sur TIGSource qu’on puisse se contacter (ou contacte moi directement sur ledit forum puisque je suis à peu près certains que tu y traines fréquemment). 😉