El Beso (Browser)
Tembac

El Beso est un “jeu” de Tembac.

Pour être plus précis il faudrait dire qu’El Beso est une œuvre d’art d’Agustín Pérez Fernández, alias Tembac.

Pour être plus précis encore, il faudrait dire qu’El Beso est une compilation d’œuvres d’arts du développeur argentin Agustín Pérez Fernández, alias Tembac.

 

Le Menu du jeu annonce la couleur, ou plutôt les couleurs (Blanc, Noir, Rouge, Bleu), ainsi que le contexte : en fond sonore on peut reconnaître l’ouverture d’un opéra ; les instruments s’accordent, les spectateurs s’installent, faisant grincer les fauteuils, et échangent en murmurant quelques conversations inaudibles. On entend quelques rires, ils sont content d’être ici, et frémissent de plaisir à l’idée de ce qu’on va leur donner à voir, à entendre. Nous aussi.

 

Enfin, le gameplay, trivial, nous apparaît lui aussi : nous contrôlons à la souris une espèce de flèches lumineuse, aux mouvements semblables à ceux de flow. En passant à côté des carrés rouges, nous les remplissons peu à peu de bleu, jusqu’à les « activer ». En pénétrant à l’intérieur, nous sommes ralentis, et ne produisons plus aucune couleur.

 

Essayons donc d’embrasser, de désembraser ce carré Play, et essayons nous à El Beso.

 

Nous voilà plongé dans un fond noir, que traversent des carrés rouges de différentes tailles. En les effleurant, ceux ci se déclinent en toute une gamme de violet, et soudain on le reconnaît : Mondrian, le peintre. Il ne s’agit pas d’un de ses tableaux, encore moins d’une imitation, mais son esprit plane de façon incontestable sur El Beso, et nous obtenons la première pièce du puzzle.

 

 

Pendant que nous nous concentrions sur notre souris, l’opéra a commencé. L’air nous est familier, on en distingue quelques mots : Du français. Bizet? Debussy? Non, écoutons encore. C’est à ce moment que notre grande culture (ou dans mon cas de bonnes aptitudes à la recherche d’information) nous permet de reconnaître Lakmé, un opéra en trois actes de Gondinet, Gille et Delibes. Seconde pièce du puzzle.

 

Au cours du jeu, du tableau, de l’opéra, nous réalisons que les carrés rouges que nous parvenons à désactiver de notre puissant bleu ne deviennent pas tout simplement gris. On y trouve des nuances, ainsi qu’un grain particulier qui n’est pas celui des pixels…Il s’agit de détails photographiques. Nous redoublons alors d’habileté pour effleurer ces carrés rouges, nous voulons l’image dans son intégralité, et nous ne voulons pas de plus ralentir le chant de Lakmé en pénétrant ces carrés.

 

Car ces carrés deviennent une véritable menace. Un jeu dit-on se compose par essence de conditions de victoire, de conditions de défaite. La victoire ici est notre plaisir, la défaite notre déplaisir : Nous n’avons nullement l’intention de massacrer un opéra, alors nous nous appliquons.

 

Bientôt les applaudissements retentissent. Qui applaudit-on? Nous? Lakmé? Mondrian? Ou bien cette photographie qui prend enfin sens à nos yeux?

Un détail de réverbère, un autre de berêt, un troisième de veste croisée…Paris, les années 50, Robert Doisneau!

 

Vient alors le moment d’assembler toutes les pièces de notre puzzle.

Lakmé, Acte 1, deuxième chant : Lakmé, afin d’honorer le dieu Ganeça (Ganesh) suggère à son esclave dévouée Mallika d’aller chercher en barque la fleur sacrée : Le lotus bleu.

Voici donc ce que symbolisait notre curseur : Une barque, et nous comprenons mieux les trainées laissées derrière lui : Des remous dans l’eau du lac.

Quant aux carrès de Mondrian, ne serait-ils donc pas les lotus, que nous cherchons à rendre bleu?

 

Enfin, cette photographie de Doisneau s’avère bel et bien être, après observation, « Le baiser de l’hôtel de ville ». Ce qui nous donne enfin l’explication du titre « El Beso », le baiser hispanique.

 

Quant à établir un lien entre Lakmé, Mondrian et Doisneau, je n’y parviens pas. Et c’est peut-être ce qui rend El Beso si envoûtant : réussir à mêler harmonieusement trois arts, trois noms, trois époques qui à première vue n’ont absolument rien en commun.