Where the goats are (Windows, Mac)
Memory of God

 

Se lever, s’habiller, ouvrir le poulailler, ramasser les œufs, nourrir les chèvres, traire les chèvres, verser le lait dans la cuve, faire cailler le lait, mouler les fromages, troquer les fromages contre des bottes de paille, aller chercher l’eau au puits, arroser les plantes, rentrer les chèvres, fermer l’enclos, faire une prière, aller se coucher. Les journées sont longues, mais elles passent vite, et la nuit, il fait trop sombre pour faire des heures sup’, trop sombre même pour lire les lettre de Tarr, Rorik ou Semba.

 

Eux, ils ont abandonné les chèvres, il sont partis à la ville. À la ville, il paraît que la vie est plus facile, qu’on s’y sent moins seul, qu’on y travaille moins. Alors pourquoi est-ce que tout le monde n’arrête pas de s’en plaindre dans ses lettres ? Est-ce que Tikvah se plaint, elle ? La ferme, c’est là qu’elle est née, c’est là qu’elle a grandi, et elle compte bien y rester, jusqu’au bout. Au bout de quoi d’ailleurs ? Tikvah est encore robuste pour son age ! La retraite, c’est pas pour tout de suite. Elle caresse même l’idée d’acheter une troisième chèvre. C’est du travail, d’accord, mais ça occupe. Et quand on vit seule, vraiment seule, s’occuper, c’est important. On lui dit qu’à la ville ses fromages artisanaux se vendraient des fortunes. Tikvah s’en fiche. Elle continuera à troquer ses fromages contre des bottes de pailles, à donner la paille à ses chèvre, à traire le lait de ses chèvres, et à en faire du fromage.