Ennuigi (Browser)
Josh Millard
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Sans Mario, le royaume Champignon n’est plus que ruines. Les gombas ayant survécu au passage des deux frères ont depuis longtemps déserté les lieux, les tuyaux, faute d’entretien, ne débouchent plus sur rien, et la princesse est dans un autre château.
Ne reste que Luigi, le cadet, le faire-valoir, l’ombre verte de Mario, mais aussi, et les jeux de la série nous l’avait bien caché, des deux frères le plus émotif et le plus sujet à la nausée ontologique.
Dans ce monde désormais vide de sens, Luigi ne peut plus sauter. Il n’en a plus envie. À quoi bon s’agiter quand l’essence a déserté l’existence ? Pour meubler le néant, il ne lui reste que ses pensées, et un paquet de cigarettes.
Derrière le postulat a priori amusant d’Ennuigi se cache une expérience troublante ainsi qu’une pertinente réflexion sur le jeu vidéo lui-même. Transposé au médium, l’existentialisme de Sartre nous permet d’en voir les ficelles et la puissance manipulatrice. Pourquoi Mario ne nous était donc jamais apparu comme un monstre cupide et arrogant ? Comment avons-nous pu jusqu’alors être insensibles au sort de son jeune frère ? Bowser avait certes la sale manie d’enlever des princesses, mais n’était-il pas parvenu à instaurer une sorte d’harmonie avant notre arrivée, et ses loyaux sujets méritaient-ils de payer pour ses exactions ?
Il est trop tard à présent : dans les jeux Mario, il n’y a pas de retour en arrière, mais Ennuigi aura au moins le mérite de nous rappeler qu’il n’y a pas que les koopas qui se cachent derrière une carapace.
Laisser un commentaire