EMMA

EMMA (Browser)
Pierre Chevalier (lilinx)

Concentré depuis deux jours sur un « nouveau » projet, me tuant les yeux sur l’écran, me tordant les nerfs, m’arrachant les cheveux et me répétant sans cesse que je ne finirai jamais à temps, j’avais bien besoin d’une petite pause. Pas une pause film, pas le temps. Pas une pause bouquin, trop mal aux yeux. Pas une pause jeu, pas la force. Et puis j’allais pas sortir quand même, faut pas déconner. EMMA s’est alors imposé comme l’exacte distraction que je cherchais. Une fiction interactive sans interaction, et sans fiction.

 

Il y a deux manières de jouer à EMMA. La première est de se lancer sans à priori, sans comprendre, et de se laisser porter par cette expérience singulière. La deuxième est de lire au préalable les notes de l’auteur, comme il le suggère. Et ces deux manières sont également surprenantes. Aussi, je vous suggère de les essayer l’une après l’autre (dans l’ordre indiqué hein, sinon c’est foutu)

 

À chaque pression de la barre espace, EMMA se contente d’aller piocher au hasard soit une photo sur Google Street View, lui appliquant un élégant filtre noir et blanc, soit quelque chiffres, quelques mots sur http://dreambank.net, une base de donnée de rêves. Le résultat est saisissant, que la démarche soit connue ou non, car en passant d’écran en écran, nous avons réellement l’impression d’avancer dans un récit. Tout ne fait pas sens, bien sûr, mais l’unicité du sujet (la première personne) ainsi que la neutralité des photographies permettent à la narration d’émerger, et à notre cerveau de s’appliquer à ce qu’il fait de mieux : du lien. Parfois, tout semble connecté. Parfois, on se perd. Parfois, c’est un cercle blanc qui s’affiche, avec la mention « Sorry, we have no imagery here », aléa de l’aléatoire, auquel on va aussi donner sens : trou de mémoire, photo manquante au centre de l’album, secret…

 

Matériau initial oblige, EMMA se comporte comme un rêve. Il pioche dans la réalité, la mélange, la sublime, et nous laisse le plaisir de l’interpréter. Au fur et à mesure qu’il se déroule, on en oublie le début, et quelques minutes à peine après s’en être réveillé, on a bien du mal à en retracer le récit. Mais celui-ci, cependant, on pourra le reprendre à loisir.

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1 Comment

  1. Sakutei

    J’ai exécuté fidèlement tes conseils et effectivement la première vue sans instruction ni explication est incroyable ! J’ai même préféré ça à la seconde vision, comme lorsqu’un tour de magie n’a plus sa splendeur mystérieuse et devient une simple astuce mécanique.

    J’ai vraiment eu l’impression de fouiller dans le passé. Dénichant bribe par bribe une histoire compliquée impliquant de nombreuses personnes, sur plusieurs générations. Les photos en noir et blanc y ajoutant quelque chose de dramatique qui pousse à enquêter, à s’interroger, à chercher les tenants et les aboutissants.

    Le fait qu’il choisisse des rêves ajoute un côté nébuleux. Ces citations sont souvent imprécises, étranges, interrogatives.

    Vraiment, c’est un belle trouvaille !

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