Just close your eyes/1328.1.23.16/Someday Somewhere

 

Just close your eyes/1328.1.23.16/Someday Somewhere (Browser [Unity]/Windows)
Nuprahtor

 

Il y a quelques jours, je parlais de 1328.1.23.16. Dans mon article, je m’étais concentré sur les conséquences issues de la barrière due langage sur le jeu, mais n’en avais pas du tout abordé le contenu, le sens du jeu. Il y avait une bonne raison à cela : Je n’y avais pas compris grand chose.

 

Aujourd’hui, j’ai joué à Someday Somewhere, et à Just close your eyes, du même auteur, et désormais, tout commence à prendre forme.

 

Ces trois jeux se ressemblent énormément : Même logiciel (Unity), même graphismes, même sens du mystère et du symbolique. Certes, ils sont tous du même auteur, et on pourrait y voir la patte de l’artiste, mais je n’y crois pas, c’est trop de points communs pour être honnête, je suis pour ma part persuadé que ces trois jeux appartiennent tous à un même projet.

 

Pour plus de clarté, je vais faire un bref résumé/spoiler de ces trois titres. Il est hautement recommandé d’y jouer avant d’aller plus loin

 

 

 

Just close your eyes se situe dans un monde envahi de fantômes. Les fantômes sont invisibles mais on peut entendre leurs cris, et surtout, on dispose d’un « radar » qui permet de détecter leur présence. Lorsqu’ils sont à proximité, les fantômes vident une jauge qui pourrait aussi bien être de vie que de santé mentale. Le joueur doit donc traverser un décor lugubre en prenant garde à ne pas laisser la jauge se vider entièrement. Pour cela, sa seule solution est de fermer les yeux, de se plonger dans le noir, et d’effectuer son parcours à l’aveugle.

 

1328.1.23.16 place le joueur dans une salle close remplie de chaises. Trois questions lui sont posées, chaque réponse conduisant à un nouvel événement. Parmi ces évènements : la promesse de la venue de quelqu’un, une inondation, les chaises qui s’élèvent vers le plafond.

 

Someday Somewhere s’ouvre sur une voiture crashée sur un lampadaire. Le joueur a alors l’occasion de parcourir une route qui semble se transformer sans cesse, ponctuée de lampadaires tordus et de poste de télévisions sans signal. Le jeu ouvre (ou plutôt se ferme) sur trois fins : Indecision, Acceptance et Falling.

 

C’est dans cet ordre que les jeux ont été créés. A noter que tous trois disposent de gameplays très différent, si le premier s’apparente à un jeu d’esploration et de mémoire et le deuxième à une visual novel, le troisième s’approche quant à lui d’un point and click. Fascinant de voir comment trois jeux si proches peuvent se jouer de manière si différentes.

 

Une fois que l’on a joué au dernier, un thématique commune s’impose alors à l’esprit, c’était pourtant si grossier, si évident : Ces trois jeux traitent de la mort. Si nous ne l’avions pas compris, c’est que nous n’y avions pas joué dans le bon ordre. Pour en saisir le sens, du moins, celui de mon interprétation, il faut les jouer à rebours. Du dernier au premier sorti.

 

Ce thème macabre n’est explicitement formulé que dans Someday Somewhere. Les signes sont univoques : la voiture défoncée au début du jeu, les lampadaires qui rappellent perpétuellement l’accident, la neige des écrans de télévision, la pluie de cendres…Le personnage principal vient de mourir, et il est en train de le découvrir. Il s’agit de la première étape post-mortem : Le deuil, non pas d’un être cher, mais de la totalité de ce qui était cher, le deuil de la vie. Les trois fins possibles ne sont que les différents comportements à adopter face à cette révélation : L’acceptation, le déni ou l’incertitude.

 

1328.1.23.16 pourrait prendre place juste après, quelle que soit la fin choisie. Une salle fermée, des chaises : pas de doute, c’est une salle d’attente. Le gameplay d’ailleurs renforce cet aspect, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre entre deux questions. 1328.1.23.16, c’est le purgatoire, et les trois questions posées seront déterminantes pour la suite des évènements. Les chaises qui s’élèvent, c’est la transcendance, celui qui doit venir, c’est Jésus, ou tout autre prophète/dieu de substitution, l’inondation, c’est le déluge, le mécontentement de l’être suprême. Sur les deux alternatives, une est imposée au joueur : Ce sera soit l’enfer, soit le paradis.

 

Enfin, il y a Just Close Your Eyes. Les fantômes, les ténèbres, une expérience de jeu particulièrement désagréable, vous l’aurez compris : l’enfer.

 

Je rappelle que tout ceci n’est que mon interprétation et que par conséquent, elle ne vaut pas grand chose, mais peut-être vous fera-t-elle mieux apprécier ces jeux grisâtres et perturbants. Tout cela me rappelle pour ma part cet exergue, prononcé par Ruppert et Mulot lors de la sortie de leur bande dessinée Le Royaume : La probabilité qu’une vie après la mort existe est vraisemblablement très faible, mais la probabilité que cet au-delà ressemble à ce que décrivent les religions est, à coup sûr, totalement nulle.

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9 Comments

  1. Pour info, pour le jeu « Someday Somewhere », j’ai eu une autre fin : « denial »

  2. J’aurais donc raté une fin ?

    La fin « Falling » ne doit donc pas faire partie des trois fins annoncées par l’auteur, puisqu’elle est en quelque sorte un échec (tomber dans le vide comme un idiot).

    Merci de la remarque, je vais donc m’y remettre et tenter de la retrouver

  3. Exact.
    Le message final lorsque l’on tombe fait référence à un échec du jeu, et non à la mort du personnage. Ce n’est donc qu’un game over et pas une fin !

  4. Blackcorn

    Pour avoir un peu échangé avec Nuprahtor, le créateur derrière ces petites perles, je ne crois pas que ces 3 projets soient réellement liés entre eux. Il y a bien un tronc commun qui les rapproche, mais pas de réelle volonté de l’auteur de relier les différentes expériences de jeux et/ou scénarios entre eux.

    Quoiqu’il en soit, il faut suivre ce créateur de très près !

  5. J’avoue que je m’en doutais un peu. Mais c’est un peu à ça qu’on reconnait un créateur de talent : ses œuvres laissent la place à toute sorte d’interprétation. Nuprahtor m’a d’ailleurs dit sur Twitter qu’il avait apprécié cet article, ce qui prouve qu’il demeure ouvert aux interprétations diverses.

    En tout cas, c’est en effet un auteur à suivre, et je suis surpris de voir qu’on en parle si peu dans la communauté indé.

  6. Blackcorn

    Disons qu’il a émergé depuis peu dans la communauté et qu’il reste relativement modeste sur son travail. À mon sens, je partage ton point de vue sur le fait qu’il mérite plus de visibilité, mais après ça reste à la communauté de le mettre en avant ! 😉

    D’ailleurs, je lui ai proposé qu’on se retrouve au « NotGames Fest » à Cologne au mois d’août, mais je crains qu’il ne puisse pas venir… en attente de confirmation !

  7. En m’enchaînant les trois jeux, je ne vois pas de réel lien, sinon le thème principal de la mort. D’accord pour l’enfer dans « Just close your eyes » (les fantômes et condamné à errer les yeux fermés et mourir inlassablement y ressemble énormément !) et pour un purgatoire dans « 1328.1.23.16 ».

    Là où j’ai eu une toute autre approche c’est pour « Someday Somewhere » : pour moi, notre personnage meurt effectivement mais de manière intentionnelle… pour retrouver une (sa) femme. A la fin du jeu, un entrefilet (de journal?) mentionne notre mort d’homme âgé dans un accident sans raison pour l’expliquer.
    Le téléphone : on ne veut pas que l’on la cache ; cacher qui? avant ou plus tard une fois (re)trouvée?
    Un récipient de céramique (urne funéraire?) se brise, des cendres tombent… les suivre nous mène à Elle.

    Dans ce cas, ce dernier serait isolé des autres jeux, à moins que finalement sa quête n’aboutisse jamais.

    Créateur définitivement à suivre 😀

  8. Grmrmrmrmrmmrr, « commentaire trop long » alors qu’il restait 4 caractères !

    je voulais ajouter que ton analyse était fort bonne, je n’aurais vraiment pas pensé à assembler ces jeux dans un ordre 🙂

  9. Merci. La tienne me donne envie de rejouer à Someday Somewhere, je ne me souviens pas d’avoir vu tout ça.

    By the way : ça y est, j’ai trouvé comment supprimer la limite de caractères des commentaires, et je dois avoir débloqué au passage les fonctionnalités gras, italiques, soulignés etc…que je ne savais même pas qu’elles étaient bloquées. Commenter sera désormais aussi agréable que de courir nu dans un champ de coquelicots.

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