Prise de tête

Prise de tête (Browser)
Tony

Cet article m’a été envoyé par Félix. Il ne traite pas vraiment d’un jeu vidéo, mais d’une bande dessinée interactive. C’est justement l’occasion de s’intéresser à la fine frontière qui sépare ces deux médias, si elle existe.

Ajourd’hui, j’ai assisté à une intervention de Tony. Tony n’est pas un créateur de jeux vidéo il est étudiant-chercheur et intervenait pour une journée sur la bande-dessinée et le numérique.

Son mémoire de master s’intitule Bande-dessinée interactive : Comment raconter une histoire ?

 

Quel rapport avec l’OuJeViPo, me demanderez-vous ?

Eh bien pour ses recherches, Tony à créé Prise de Tête. Il s’agit de donner un exemple des possibilités de narration que pourrait offrir le numérique à la BD si on se donnait la peine de dépasser les façons de penser liées au papier.

 

 

Essayez, pour moi ça ressemble fichtrement à un jeu…

Si vous n’avez pas le temps (il n’est pas très long), je spoile un peu. C’est l’histoire d’un bonhomme pictogramme qui perd sa tête et qui va chercher à la retrouver. Le graphisme est uniquement constitué de pictogrammes pour que la grande majorité des lectacteurs (comme les appelle Tony) puisse comprendre l’histoire.

L’histoire est découpée en chapitres qui sont autant de levels dans lesquels le lecteur doit découvrir le moyen de passer au suivant. Chaque level explore un moyen d’impliquer le lecteur dans la narration (et donc en faire un lect-acteur).

 

Son travail recoupe pas mal de questions abordées sur l’OuJeViPo.

En effet, ce qu’il montre comme apport principal du numérique à la bande-dessinée, c’est l’interactivité. Or l’interactivité est le principal argument de ceux qui considèrent le jeu vidéo comme un 10ème art. C’est la particularité qui le distingue des autres arts et lui permet de s’exprimer dans son propre langage avec ses propres figures de style. J’en veux pour exemple toutes les expérimentations de gameplay (et ce qu’il est possible de lui faire transmettre) trouvables sur ce blog.

Tout le long de sa présentation, je pensais à l’OuJeViPo et quand, vers la fin de son exposé, il a avoué que la notion de jeu lui posait problème, le doute n’était plus permis : il fallait en parler ici.

Pourtant Tony place résolument son travail sur le plan de la BD. Il utilise les cases, les bulles, les espaces inter-iconiques (on dit les gouttières aussi), la séquentialité et tout l’arsenal de moyens propres à la BD.

Mais il confesse que les 4 particularités du jeu définies par Roger Caillois (compétition, simulacre, hasard et vertige) sont quelques peu présentes dans Prise de Tête.

Voici quelques-uns des mécanismes de Prise de Tête qui sont répandus dans le jeu vidéo :

  • la progression par level

  • la possibilité de perdre (sisi, il y a un moyen)

  • le principe de renouvellement du gameplay (comme dans Click Play)

 

En fait, la démarche de Tony consiste essentiellement à chercher des nouveaux moyens formels de raconter une histoire. Ce qui le place exactement à cheval entre les créateurs présents sur l’OuJeViPo et ceux de l’OuBaPo (c’est l’Ou-truc-Po qui travaille la BD).

 

Et là je dois vous avouer mon trouble parce qu’après ça je ne me sens plus capable de différencier la BD du jeu vidéo. J’avais déjà senti le problème sur ce blog en commentaire de Doodle God mais si les créateurs se mettent encore à brouiller les pistes on n’est pas sortis de l’auberge…

Et là se mettent à défiler dans mon esprit les cas où le jeu empiète sur les autres arts : la littérature (livre dont on est le héros, jeu de rôle…), l’architecture (labyrinthes), la danse (rondes enfantines), la musique (battles)…

J’étais à 2 doigts d’arrêter de considérer le jeu comme un art quand je me suis rendu compte que les frontières entre les autres arts étaient également poreuses (ouf, c’était juste…) Et heureusement, les exemples de mélange des arts ne manquent pas (vous en trouverez sûrement plein).

 

Ce que nous pouvons en tirer, c’est que tout les arts ont en commun leur dimension de transmission, et que cette dimension ne peut s’exprimer que par la création d’un langage commun entre le créateur et le récepteur de l’œuvre (spectateur, lecteur, joueur…). C’est probablement ce qui différencie les jeux grands-publics des jeux « expérimentaux » : le langage des jeux expérimentaux n’est pas assez commun, trop difficile à comprendre pour des joueurs qui n’ont pas l’habitude ou qui ont trop pratiqué le langage « mainstream ».

 

Ce n’est qu’une réflexion à chaud, mais j’ai pensé que Pierrec la trouverait intéressante et vous la ferait peut-être partager. Puisse-t-il continuer son blog avec plaisir (le sien et le nôtre) pendant longtemps car sa récompense sera grande dans le ciel.

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6 Comments

  1. Sébastien C.

    Je suis content de voir cette question posée, celle de la limite bande dessinée interactive/jeu vidéo.

    Dans mon milieu on parle jusqu’à la nausée de bande dessinée numérique, pratiquement systématiquement sous le spectre des enjeux économiques, même sur un site comme Du9, les débats ne se centrent que rarement sur la légitimé artistique d’une bande dessinée numérique, et quand c’est le cas ça patauge un peu dans quelques lieux communs.

    Il me semble que le jeu vidéo (dans toute sa variété) se présente déjà comme le médium capable d’explorer toutes les possibilités du support numérique. Mais j’ai beaucoup de mal à communiquer cette idée, tant les préjugés sur le jeu vidéo, en tant que divertissement pour boutonneux, sont présents (préjugés étrangement similaires à ceux qu’a subit et subit encore la bande dessinée).

  2. Il me semblait quand même avoir vu un débat intéressant à ce sujet sur Du9, mais celui ci avait plutôt lieu dans les commentaires. Maintenant que j’y pense, il me semble que l’article était signé Tony (hop, je confirme : http://www.du9.org/Pour-une-bande-dessinee#forum13544 ) qui est sans doute le même Tony dont Félix présente le travail ici.

    Je crois aussi que nier la paternité du jeu vidéo sur la bd interactive est une erreur. Tout comme on ne peut pas nier la paternité de la bd sur le jeu vidéo (pour les nombreux graphismes « cartoons » notamment.
    (je fais une distinction entre bande dessinée intéractive, comme celle présentée ici, et bande dessinée numérique qui n’a de numérique que son support selon moi)
    Après, je pense que les gens de la BD peuvent réellement apporter quelque chose au jeu vidéo par le biais de la séquentialité. L’exemple de Prise de Tête est bon, bien que purement formel.

    As-tu déjà caressé la bande dessinée interactive pour ta part?

  3. J’ajouterais que je trouve étonnant (mais pas trop) ces préjugés des gens de la bd envers le jeu vidéo, car comme tu dis, ils sont similaires à ceux que subit la bd. Marrant qu’on puise accuser comme ça un manque de curiosité, tout en manifestant le même dans un domaine tellement proche.

  4. Sébastien C.

    Pour les préjugés c’est juste une impression que j’ai eu parfois. Je pense qu’il est souvent dû au manque de familiarité avec les rudiments de l’interactivité ; j’ai déjà voulu faire jouer des gens à des jeux comme But it was yesterday… mais il me semble qu’ils avaient du mal à saisir leur « rôle » dans le déroulement de la narration. Mmm… simple impression…

    Pour parler de Prise de tête, ce n’est que mon avis à prendre avec une armée de pincettes, mais pour moi des jeux comme But it was yesterday… ou Every day the same dream, me semblent établir beaucoup plus de passerelles entre la bande dessinée et le jeu vidéo (paradoxalement d’ailleurs) et se présentent comme des pistes extrêmement valable de narration interactives vers lesquelles lorgner en tant qu’auteur de bande dessinée. En tout cas qui me parlent beaucoup plus.

  5. Sébastien C.

    Du coup ça répond aussi un peu à ta question, je caresse beaucoup plus l’idée de faire du jeu, qu’essayer de faire de la bande dessinée interactive.

  6. J’ai beaucoup ri ! 😆

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