Data Stains

 

Data Stains (Windows, Browser [Unity])
Titouan Millet

 

 

« Laissez-moi expliquer ce à quoi je viens de jouer. Quand je presse les touches directionnelles, les spermatozoïdes cubiques et colorées se baladent à l’écran, et je peux aussi presser Espace pour éteindre les lumières. Quand j’en ai fini avec ça, je presse Entrée et le jeu me dit que j’ai perdu.

C’est exactement ce à quoi les gens font référence quand il parlent d’art games prétentieux et dénués de sens »

 

Le commentaire est un peu rude, mais il me faut bien admettre que moi non plus, lors de ma première partie de Data Stains, je n’ai pas compris grand chose. Je ne dirais pas que je me suis ennuyé, les animations à l’écran étant assez belles pour m’en prémunir, mais j’y ai plus vu un jouet rudimentaire qu’un véritable jeu vidéo.

 

Data Stains est pourtant bien un jeu, avec un gameplay, des conditions de victoire, et même du sens ! Pour l’apprendre, il m’aura fallu lire les explications de l’auteur, un peu triste qu’on ne l’ait pas compris. Alors, tout s’est éclairé. J’ai pleinement apprécié ma seconde session de jeu, et j’ai même trouvé Data Stains admirable sur bien des points.

 

Mais est-ce que cela suffit alors à faire de lui un bon jeu ? Est-ce qu’un jeu ne pouvant se passer d’un making of peut être considéré comme réussi ? Data Stains a le mérite de soulever la question en se proposant comme pertinent exemple.

 

À ce sujet, Gaeel file une métaphore intéressante, comparant les jeux aux T-shirts à messages humoristiques. Certains jouent sur des références connues de tous, et ne peineront donc pas à arracher des sourires. D’autres, plus recherchés, plus pointus, ne seront même pas vu comme de l’humour par la majorité des personnes, tandis qu’elle feront rire aux éclats un petit groupe d’initiés. Les meilleurs T-shirts seraient alors ceux qui jouent sur les deux niveaux, avec un premier degré à la portée de tous, et un second destiné aux initiés.

 

Je ne jugerai pas de l’universalité de cette théorie, mais elle s’applique en tout cas bien à Data Stains, qui ne parvient pas à signifier aux joueurs les moins habitués à ces méta-puzzles que oui, il s’agit bien d’un jeu.

 

Je vous laisse donc tenter l’expérience de Data Stains, avec, et sans les explications (mais plutôt dans le sens inverse), et je vous laisse juge.

 

 

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5 Comments

  1. Moi, il m’a suffit de lire cet article pour profiter pleinement de ce jeu, ce qui me semble, est accessible à tout le monde.
    Pour tout dire, je l’ai trouvé assez formidable.
    Suite à ton article je savais qu’il me faudrait un peu tâtonner et je savais que ça en vaudrait la peine.
    Voilà peut-être ce que l’auteur aurait dû écrire dans la description au lieu de son histoire de janitor cosmique qui n’apporte pas grand chose au shmilblick.

    Le contexte dans lequel on présente les jeux est une question très intéressante parce qu’il s’agit d’un medium qui se libère beaucoup des contraintes de forme, ces derniers temps.

    Il y a quelques mois j’ai fait un jeu Twine qui s’appelle « Un chat » et que presque personne n’aime ( http://www.lilinx.com/unchat/ ) et je ne sais toujours pas dans quel contexte le présenter pour que les gens puissent se l’approprier, je me pose pas mal de questions là-dessus!

  2. Moi j’avais bien aimé Un chat. Mais oui, je ne sais pas non plus comment le présenter ^^

  3. ha ben ça me fait bien plaisir, t’es la deuxième personne d’Internet à me dire ça en 6 mois

  4. j’ai repensé à ça aujourd’hui en fait.
    Si on dit jeu indépendant, c’est qu’on ne passe pas par un intermédiaire chargé de la distribution, mais qu’on est directement en contact avec le public.
    Le seul rôle intermédiaire restant est celui du « curateur » (type oujevipo.fr, freeindiegam.es, etc).
    Du coup il n’y a plus de catégorie marketing, de genre défini, de contraintes, c’est super, mais ça rend les choses plus complexes.
    On doit donc se charger de tout le boulot de com, du contexte, de la présentation, de définir ce qu’on fait, et de le défendre. Et ce boulot fait partie du boulot de création, sauf qu’en fait une grande partie de ça échappe à notre contrôle vu que le jeu va être partagé ailleurs, présenté dans d’autres contextes que celui qu’on a prévu, présenté par d’autres gens qui auront une plus grosse voix au chapitre que la nôtre, etc.

  5. C’est dingue, c’est typiquement le genre de jeu ou, une fois l’expliquation donné, je le trouve parfait.
    En lisant le descriptif du jeu sur la Ludum Dare, on nous dit exactemment ce que font les touches et ce qu’il faut faire.
    Et pourtant, je cherche à savoir pourquoi ça n’a pas suffit et qu’il m’a (et présumablement à beaucoup d’autre) fallu lire la « solution » pour comprendre.
    Ou peut être est-ce l’interêt de ce jeu, découvrir comment tout est cohérent d’un coup, comme une épiphanie?

    Je dirais, à vrai dire, la même chose pour Un Chat. Au départ, je n’avais pas compris que l’on pouvait recommencer et qu’il y avait un interêt à le faire
    Pourtant, lorsque j’y ai rejoué plus tard, j’ai pu découvrir la subtilité et tout l’interêt du jeu
    Je l’ai bien apprecié égallement, notamment la façon dont on suit le sommeil assez fragile d’un chat, et on se met à esperer qu’il puisse dormir encore un peu

    Donc, tout cela me rend perplexe également, je ne sais pas très bien où se trouve le problème dans la présentation de ces jeux, ni même s’il y en a un.
    C’est étrange, et c’est assurément des questions interressantes qui sont soulevés ici.

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