Crunchy Lunch (Windows, Mac, Linux)
Yoss III

 

Votre estomac gargouille. Depuis 11h, vous guettez l’heure de la pause déjeuner sur l’horloge en bas à droite de l’écran. Il est maintenant 12h36, la pause devrait déjà avoir commencé depuis six minutes, mais personne dans le bureau ne semble l’avoir remarqué. À moins qu’eux aussi fassent semblant, qu’eux non plus ne veulent pas passer pour goinfre ou tire-au-flanc en étant les premiers à sortir leurs sandwichs.

 

Vous tapez quelques mots au clavier, les sélectionnez à la souris, puis les effacez, juste pour donner l’impression de faire quelque chose, d’avoir « encore un petit truc à finir » avant la pause. 12h37. 12h38. Mais qu’est-ce qu’ils fichent ? Vous ouvrez un onglet, fermez un onglet, déplacez une fenêtre, entrez quelques chiffres dans le tableur. Vous savez que vous avez droit à cette pause, que ces minutes de temps libre perdues chaque midi sont le fruit d’une culture d’entreprise toxique qui a fait du temps de travail un marqueur de loyauté au détriment du bien-être des salariés et de leur efficacité, mais ce n’est pas vous qui briserez le cycle, vous avez bien trop faim pour vous battre.

 

12h41 vous entendez derrière vous le bruit d’un fauteuil à roulette qui recule sur le parquet, le froissement d’un sac plastique. Enfin ! Quelqu’un a craqué. D’un air satisfait, vous pressez bruyamment la touche Entrée de votre clavier pour marquer l’accomplissement de votre tâche si importante qu’elle méritait bien onze minutes de votre pause déjeuner et contemplez l’écran quelques secondes avec une feinte fierté. Puis, doucement, vous minimisez le tableur, branchez vos écouteurs, chargez Youtube dans un nouvel onglet et sortez du sac votre déjeuner : mini-carottes, club sandwich au poulet et compote pomme-rhubarbe. Vous allez vous régaler ! Ce n’est que quelques instants plus tard, en portant la première carotte à votre bouche, que la cruelle évidence vous apparaît, dans toute son horreur :

Les carottes croquent