Bar Fight

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Nomis

 

Ils célèbrent leur victoire comme si elle ne tenait qu’à eux. Ils se félicitent mutuellement des coups portés au dragon-loup, ils se remémorent leurs plus beaux faits d’armes. Ils se partagent l’expérience et le butin en fonction du nombre d’ennemis tués et, comme à chaque fois, me lancent un bref regard embarrassé: « Tu feras mieux la prochaine fois ».

Moi, je ne dis rien, je les laisse sagement réécrire l’aventure à leur avantage, mais je sais que sans moi, ils n’auraient pas dépassé le premier village, qu’ils seraient morts cent fois et que le dragon-loup terroriserait encore la région.

Je suis Aerie, Aerith, Serra, Sarah, Karna, Branwen, Amy Sage et Fall from Grace. Je suis la clerc, la prêtresse, la druidesse. Je suis la guérisseuse de RPG.

 

On a coutume de croire que mon rôle se résume à jeter des sorts de soin. Ce n’est pas tout à fait faux : il faut bien admettre que mes coups de bâton manquent un peu de vigueur. Là où on se trompe en revanche, c’est sur la complexité et le poids émotionnel de cette tâche. Assurer la survie du groupe est autrement plus difficile que de porter un coup d’épée.

Dois-je soigner ce paladin à la porte de la mort mais protégé par une armure ou anticiper en renforçant le berserker, davantage exposé ? Dois-je lancer un faible sort de soin de groupe ou me focaliser sur l’aventurier le plus touché ? Dois-je agir maintenant ou économiser ma mana pour les moments critiques ? Quoi que je fasse, quoi que je choisisse, c’est à moi qu’on attribuera la responsabilité de chaque décès. On me reprochera de ne pas être intervenue à temps, d’avoir préféré un sort de protection à un autre de résurrection, pire : on me blâmera parfois pour avoir privilégié ma propre survie à celle de cet autre, pourtant mieux taillé pour le combat. Mais si je ne l’avais pas fait, bande d’ingrats immatures, c’est vous tous qui m’auriez rejoint sur le sol froid de cette caverne !

 

On remet en cause chacune de mes décisions, mais jamais, jamais je n’ai droit à un merci. Pour eux, je ne suis qu’une pièce d’équipement. Une potion de vie ambulante. Armure ? Check ! Carreaux d’arbalète ? Check ! Guérisseuse ? Check ! Je vais leur montrer, tiens: la prochaine fois, je resterai à l’arrière, les bras croisés, et je les regarderai tomber un par un le visage plein d’incompréhension. Et quand le dernier d’entre eux sera sur le point de succomber, je m’assurerai que la dernière chose qu’il voie soit le bois de mon bâton.

 

 

Non. Je le ne ferai pas. Je sais bien que j’en suis incapable. Je jouerai mon rôle jusqu’au bout, comme d’habitude. Au diable les honneurs, les remerciements, la considération : je suis la guérisseuse de RPG, et je sais bien, au fond, que c’est moi qui sauverai le royaume.

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2 Comments

  1. Charles de Goal

    Chez moi, ne marche ni sur Firefox ni sur Chromium, hélas.

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