Endeavor (Browser)
Zillix

 

Je suis dans le train, je saute de liane wi-fi en liane wi-fi dans l’espoir de rejouer à ce jeu que j’ai interrompu en partant. Peine perdue évidemment.

Ce jeu, c’est Endeavor, et ma frustration de n’être parvenu à aucune des, dit-on, trois fins, grain de poussière dans mes pensées du moment, se couvre peu à peu de nacre.

C’est décidé, je vais parler de Endeavor, comme ça, à froid, sur les seules premières impressions que j’en ai eu, et toute la cristallisation stendhalienne qui va avec.

 

D’abord il me faut une accroche, un titre fort, qui puisse vous donner envie d’y jouer, quelques choses qui apparaîtra avant le « lire la suite », et que vous vous résignerez à lire, en attendant que la barre de chargement fasse la deuxième moitié du chemin. J’ai trouvé : Endeavor se pourrait bien être le nouveau Knytt Stories.

Voilà, c’est bien, tout le monde aime Knytt Stories, c’est obligé.

Il faut dire que c’est aussi assez pertinent : Comme Knytt stories est un mignon jeu de plateforme, d’exploration, au cadre large, aux capacités à collecter. Il y a des fleurs, des animaux, pas de danger, juste l’immensité de l’univers et notre insatiable curiosité.

 

 

Bien sûr, c’est faux. Endeavor n’est pas Knytt Stories, puisque c’est Endeavor, mais surtout parce que Endeavor n’est pas user generated content, n’offre pas la possibilité de créer des histoires, des niveaux. Knytt était un recueil, Endeavor est un conte.

Mais quel conte!

Celui d’un nain, nous dit-on, car ses graphismes pourraient tout aussi bien évoquer une crotte de nez roulée en boule (ce qui est un compliment), tombé d’on ne sait où on ne sait où, investit d’une mission par un dieu tête en l’air qui a distraitement égaré tous ses joyaux dans le vaste univers.

 

C’est tellement creux que c’en est mystérieux. Comme une planche de Laurent André, comme un morceau de Philippe Katerine.

On veut en savoir plus, je veux en savoir plus. Impossible pour le moment, je m’en tiendrais là. Il faut changer de sujet, parlons du gameplay.

 

Ah, le gameplay. Droite-gauche pour se déplacer, X (ou Z, enfin, vous verrez quoi) pour sauter, on est bien dans le jeu de plateforme pur.

L’originalité de Endeavor ne se situe pas dans l’ensemble, mais dans une succession de trouvailles, d’idées astucieuses, dans le micro, et non le macro, tout comme le génie de Godard ne se retrouve pas dans l’ensemble de sa filmographie, qui est à chier, mais dans la multitude de scènes ingénieuses qui ponctuent chacun de ses films. Celles qui vous font traverser le Louvre en 9 minutes 52, celles qui vous font vous repeindre le visage en bleu.

 

Le génie de Endeavor, c’est par exemple sa barre d’endurance. Ce petit bonhomme qui s’essouffle après 4 bonds, puis 5, puis 10…ces micro-pauses imposées au joueur, le temps de reprendre ses esprits, d’admirer le paysage, le rythme que cela instaure, rythme aux temps qui s’allongent au fur et à mesure que votre esprit devient captif.

Le génie de Endeavor, ce sont les chutes qui vous assomment, vous font voir le monde en noir et blanc l’espace d’un instant, pas de barre de vie, la conséquence de chacun de vos faux pas se fait ressentir immédiatement.

Le génie de Endeavor, ce sont ces fleurs, qui ponctuent tout votre chemin, et qui se ferment à votre approche, petits cailloux pour retrouver le chemin de la maison.

Le génie de Endeavor, ce sont ces clés que l’on trouve avant les portes, contraire à toute tradition de jeu d’aventure, de rôle : Quand dans un Zelda, il faut attendre d’avoir buté contre cent pierres pour trouver un gant de force, on trouve dans Endeavor des bottes anti-bourasques avant même d’avoir ressenti la moindre brise. S’il était linéaire, je me permettrais de dire qu’Endeavor est un long fleuve tranquille, disons plutôt qu’il est un vaste océan tranquille. Un Pacifique qui porterait bien son nom.

 

Le génie de Endeavor, c’est de me faire parler de tout, sauf de lui. De se cristalliser en moi comme un chef d’œuvre qu’il n’est peut-être pas. Peut-être que je suis saoul, fatigué, un peu trop enthousiaste, peut-être que je ferais mieux de réviser mes partiels.

Peut-être pas.