Space Funeral (Windows [Désolé])
Thecatamites

 

Off et Super Colombine Massacre RPG! ont prouvé que RPG Maker pouvait se transformer en superbe outil de développement. Le premier en présentant un univers riche, tordu et original, le second en mettant en scène l’horreur.

Space Funeral vient le confirmer en faisant les deux à la fois.

 

Ne vous laissez pas tromper par le titre : Space Funeral n’est pas un RPG de Science Fiction. Ne vous laissez pas non plus tromper par l’habitude : Space Funeral n’est pas un RPG de Fantasy.

Ne nous laissez pas enfin tromper par votre esprit de déduction : Space Funeral n’est pas un RPG situé dans le monde réel.

Pourquoi s’arrêter à ces futurs, passés et présents fantasmés pour raconter une histoire? Pourquoi fantasmer de manière générale? Pourquoi ne pas plutôt cauchemarder?

 

 

Car Space Funeral est bien un cauchemar, celui d’un monde parfait qui se rêve imparfait. Encore que le terme imparfait est très mal choisi, car il n’évoque que l’absence de perfection, un degré zéro. Ce que je souhaiterais exprimer ici est le contraire de la perfection, sa nemesis (sa Nemesis 2 : Nebula, oserais-je dire)

 

L’univers de Space Funeral est unique, ses héros sont un chauve pleurnichard en pyjama et deux paires de pattes de cheval. Ses protagonistes sont des calamar humanoïdes ou des humains sans tête, ses décors semblent avoir été dessinée sous paint avec une main gauche dans le plâtre (et une droite coupée), ses lits sont des cercueils, et ses bugs intentionnels.

Pourtant, il ne manquera pas d’évoquer à chacun d’autres univers glauques et absurdes. Bender B. Rodriguez évoquera Junko Mizuno ou Hideshi Hino. Strangeluv utilise le terme « burtonesque » (certes pour le réfuter) dans sa review. Je penserais quant à moi à Stéphane Blanquet, Dave Cooper, ou aux travaux du collectif Le Dernier Cri

 

Il s’agit de parallèles, non d’influences, car celles de Space Funeral sont bien plus surprenantes, comme l’attestent les nombreuses références qui jalonnent le jeu : Une Lucy Van Pelt toute droit sortie des Peanuts, un clin d’œil appuyé à 20th Century Boys, un Dracula revisité, des vers baudelairiens…on a du mal à saisir comment cette culture éclectique et éclatée (strips américans, manga japonais, roman irlandais, poésie française…) a pu aboutir à une telle folie.

 

Une dernière référence pourtant fait sens : Ce sont les personnages de Fantomah et Rip-The-Blood. Tous deux sont à l’origine créations de Fletcher Hanks, et je doute que depuis cette origine, ils aient été ressuscités par qui que ce soit d’autre que Thecatamites.

Pour resituer : Fletcher Hanks est un auteur américain de comics des années 40, il est aux comics ce que Ed Wood fut au cinéma, ce que The Shaggs furent à la musique. Et tout comme Ed Wood fut porté aux nues par Tim Burton, et The Shaggs par Frank Zappa (« better than The Beatles »), Fletcher Hanks le fut par Robert Crumb ou Paul Karasik.

 

Il suffira de jeter un œil à quelques unes de ses planches pour établir la filiation directe de Space Funeral : ce même univers d’horreur burlesque, ce même graphisme dérangeant et approximatif, ce même doute qui plane : Du lard ou du cochon ? Parodie ou sincérité? Premier, ou troisième degré?

J’ai lu plusieurs fois les terme de « blague » à propos de Space Funeral. Je ne suis pas de cette avis, et si le jeu peut porter à rire, c’est ce rire que l’on lâche dans ces situations embarrassantes, quand on préfère se moquer de sa propre incompréhension plutôt que d’en assumer les conséquences.

 

[vous vouliez des références? Vous êtes servis.]

 

Mais assez parler de son univers singulier, car Space Funeral est aussi un jeu vidéo.

Il convient donc de s’arrêter un peu sur son Gameplay : à priori celui d’un jap-RPG des plus classiques, c’est à dire l’exploration d’un monde en vue aérienne, la gestion d’une équipe, de leurs aptitudes et équipement, des niveaux à monter et des écrans de combat en tour par tour.

Oui, il y a bien tout ça dans Space Funeral, mais pour parler franchement, cela n’a aucun intérêt. Les PNJ rencontrés n’ont jamais rien d’intéressant à nous dire, l’équipe se résume à un seul équipier, trouvé dès le début du jeu, les combats sont d’une vexante facilité, et les niveaux se passent à un rythme effréné, approximativement celui d’un par combat.

 

On voit bien que ce n’était pas dans l’idée de thecatamites de créer le moindre challenge, certain que son univers se suffisait à lui-même (et il avait plutôt raison). Et pour ne pas agacer le joueur avec de vains combats, thecatamites a évité avec brio l’écueil dans lequel Off avait pu tomber : celui des combats qui spawnent tout seuls lorsqu’on explore la map. Ici, les ennemis sont représentés sur l’écran comme les PNJ, et il suffit de les contourner pour éviter le combat, d’autant que comme je l’ai dit, il n’est nullement nécessaire de pratiquer le « levelling » pour défaire le boss final.

 

Il suffira donc au joueur de marcher vers son destin au travers de cette ambiance déglinguée, au rythme de ses musiques de qualité, et tout aussi éclectiques, pour finalement découvrir le twist final, que je ne vous révèlerais pas, na!