Folderworld

Folderworld (Windows, Mac, Linux)
Nicolaï Troshinsky

« les êtres humains sont des mammifères, bipèdes, qui se distinguent des autres mammifères, comme les baleines ou bipèdes, comme la poule, principalement par deux caractéristiques : le télencéphale hautement développé et le pouce préhenseur. Le télencéphale hautement développé permet aux êtres humains d’emmagasiner des informations, de les mettre en relation, de les ordonner et de les comprendre. Le pouce préhenseur permet aux humains un mouvement de pince des doigts, celui-ci à son tour permet une manipulation de précision. »

Difficile d’imaginer une meilleure introduction à Folderworld que cet extrait de l’Île aux Fleurs, duquel il est d’ailleurs inspiré. Tout est dit dans cet extrait, et je pourrais arrêter l’article ici, mais je ne le ferais pas, car Folderworld est un « jeu » obscur, difficile, et qui mérite de plus amples explications.

Folderworld obéit à deux contraintes. La première est le thème Zoom de l’Experimental Gameplay Project du mois de Mai, la seconde est de cadrer avec le projet de Recycling Games de l’auteur. Je le rappelle, ce projet consiste à créer des jeux vidéo à partir de matériaux préexistants. Troshinsky ayant déjà recyclé des images d’archive, de la musique classique et des peintures, les pages d’un catalogue Ikea, des cliparts…il ne lui restait guère de marge de manœuvre. C’est donc cette fois au recyclage de logiciel qu’il s’est attaqué : adoptant un logiciel existant, Dropbox, et le détournant de ses fonctions.

Troshinsky décrit Folderworld ainsi : « Un jeu sandbox d’exploration multimédia avec de contenu crée par les utilisateurs qui est joué sur Dropbox ». C’est une longue et exhaustive description, mais qui cadre parfaitement avec l’esprit du projet. Il est en effet ici question de description et d’exhaustivité : Folderworld est un monde organisé en dossiers englobant ainsi l’infiniment grand comme l’infiniment petit (c’est du moins sa vocation). Tout y est bien rangé, bien classé : Dans la rue, il y a la maison, dans la maison, il y a une chambre, dans la chambre, il y a un bureau, sur le bureau, il y a un ordinateur, au sein de l’ordinateur, il y a une unité centrale, dans l’unité centrale, il y a des disques durs, parmi les disques durs, il y a le disque C, dans le disque C, il y a le fichier Documents and Setting, etc. L’utilisation du thème Zoom n’est pas à expliciter.

Mais que est le rôle du joueur dans tout ça ?

Eh bien tout d’abord, le joueur doit demander une invitation Folderworld à Troshinsky par mail, il doit ensuite, si ce n’est pas déjà fait, installer Dropbox et s’y créer un compte, enfin, il pourra accéder à ce monde de dossiers.

Alors débute l’exploration. Un fichier d’aide permettra au néophyte de mieux se repérer, mais en gros, les consignes sont simples : Faites ce que vous voulez, modifiez, déplacez, enrichissez le monde en y ajoutant des dossiers. Tirez vers l’infiniment grand, l’infiniment petit, ou simplement dans des directions non encore explorées. Folderworld est une œuvre collective, à la manière de Playpen, et elle n’aura donc pas la moindre valeur tant que vous n’y aurez pas participé.

Il y a tant de manières d’appréhender le monde, Internet en a rajouté encore une couche : Facebook est un manière d’appréhender le monde, Wikipédia est une manière d’appréhender le monde, Folderworld se veut en être une nouvelle, et cette manière ci me séduit particulièrement, elle m’évoque Perec et son obsession de Penser/Classer, la fragmentation des Notes de Chevet de Sei Shonagon, bref, tout ce que j’aime. Évidemment, Folderworld est encore à l’état d’esquisse…que dis-je…de notes griffonnées sur le coin d’une nappe en papier, et si personne ne s’y intéresse, il se peut bien qu’il demeure ainsi, d’où mon enthousiasme à vous le présenter.

Mais n’est-ce pas un peu ennuyeux que de reconstituer tout un monde avec un nouveau langage, de nouveaux outils ? Faut voir…Minecraft est-il ennuyeux ? Je suis de mauvaise foi, oui, Folderworld tel que je l’ai décrit n’a peut-être rien d’extrêmement excitant, mais c’est pourquoi Troshinsky y a ajouté le concept de trésors. Folderworld est un monde de dossiers, et des dossiers, ça contient des fichiers. Rien n’empêche donc chaque utilisateur de disséminer dans ce monde toutes sortes de fichiers, textes, sons vidéos, urls…Voilà ce que sont les trésors. En passant après les autres, vous pourrez faire de petites trouvailles, puis les déplacer pour les mettre en sécurité, pourquoi pas chez vous, dans la maison que vous vous serez construire? J’en au moi-même ramassé et déposés quelques uns et je vous invite à faire de même, ces trésors étant finalement l’essence même de Folderworld, ce qui crée l’excitation et qui lui confère ainsi tout son intérêt.

 

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4 Comments

  1. Excellent « jeu »! Bon, ba on s’est déjà croisé dessus avec l’ami Pierrec. Une petite communauté française bien sympa se forme…et un certain humour s’en dégage. En tout cas, pour ceux que ça intéresseraient, je continu à jouer dessus.

  2. J’ajouterais que j’ai pu expérimenter le moyen de communication le plus improbable du net : l’écriture sur rouleau de PQ virtuel

  3. AmourMaternel

    Ce jeu est génial. Mais il faudrait beaucoup plus de joueurs.

  4. J’avoue…C’est son plus grand défaut. Pour l’instant, il n’y a pas grand monde qui a en parlé. Si IndieGames et les autres sites du genre s’y mettaient, ça lui donnerait un petit coup de boost. Pour l’instant, tout ce qu’on peut faire, c’est y inviter nos amis. Oui, parce qu’un fois inscrit, on peut inviter les gens nous même, sans passer par Troshinsky, c’est quand même plus pratique…

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