Making Vidéo Games ep.3 : Comeback Tour (Browser, Windows, Mac)
Richard Perrin

 

Will Eisner, Robert Crumb, Art Spiegelman, puis plus proche de nous Lewis Trondheim, Mattt Konture, Fabrice Neaud, Frederik Peeters…autant d’auteurs qui ont contribué au renouveau de la bande dessinée en passant à la fois par l’exploration formelle et l’autobiographie.

Il est intéressant d’observer que le mouvement indé dans le jeu-vidéo, pourtant en tant de points comparables à celui de la bande dessinée, a totalement délaissé cet aspect autobiographique pour se concentrer entièrement à l’exploration formelle.

 

On trouve certes quelques exemple d’introspection dans le jeu-vidéo (Aubergine Sky, Lackadaisium) mais celle-ci est la plupart du temps camouflée, et il semble que le développeur dispose d’un sens plus aigu de la pudeur que le dessinateur. C’est bien dommage, et je serais bien friand de savoir ce qui se passe dans la tête d’un développeur autrement qu’à travers des post-mortem, une mise en abyme de l’auteur dans son propre médium.

 

 

Je verrais une explication à cela : La bande dessinée s’inscrit le plus souvent dans la filiation de la littérature (raconter une histoire), et il est naturel que le renouveau de celle-ci passe avant tout par l’exploration des genres littéraires déjà établis. C’est ainsi qu’on a pu observer avec plaisir l’avènement de l’Oubapo (Ouvroir de Bande Dessinée Potentiel), directement issu de l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentiel).

Le jeu vidéo, lui, semble à tort afficher plus de parenté avec le cinéma (montrer une histoire), et hormis dans les documentaires, l’autobiographie a tendance à taire son nom sur les écrans.

 

Richard Perrin brise enfin le tabou, avec un jeu très ouvertement autobiographique : sous la forme d’un FPS, il nous invite à découvrir ce que fut son année 2010, à travers des tableaux, captures de ses productions, et des enregistrement sonores. (WASD et souris. Maj+Alt pour basculer en Azerty)

Ne vous attendez pas à en savoir plus sur la vie sexuelle de Perrin, sur ses rêveries ou sur ses plus grandes hontes : Loin d’une expérience introspective, Making Video Games est davantage un journal, focalisé comme son nom l’indique sur la production de jeux-vidéo.

Perrin nous y parlera notamment de ses expériences lors de nombreux rassemblements et compétitions indés, ou de comment son projet initial de journal, plus introspectif qui devait, selon ses termes « explorer les regrets de l’enfance et les incertitudes de la mémoire » fut avorté par la défection de son collaborateur et ami.

 

La musique d’ambiance nostalgique, ce bâtiment vide, et la symbolique du tableau pris par les flamme nous amène à regretter ce projet mort-né dont nous ne connaissions pourtant pas l’existence, magnifié, cristallisé par ce Making Video Games.

 

L’exploration linéaire du bâtiment suit bien évidemment la linéarité du temps, comme cela pourrait être le cas dans un musée d’Histoire, mais avec Perrin comme guide, Making Video Games se fait en réalité musée d’histoires, et ses anecdotes, pourtant de faible intérêt, parviennent mises bout à bout à nous immerger dans son univers.

 

Enfin, rien n’est vraiment laissé au hasard dans ce journal-portfolio, et il existe de manière explicite une correspondance entre les enregistrements et le décor. Ainsi, son vol à San Francisco sera représenté par une passerelle vitrée au dessus de la mer (qui par un habile effet se confond avec le ciel) et la fin de 2010 par une porte ouverte sur l’inconnu.

 

Ce premier épisode de Making Vidéo Games est en fait le troisième, et Perrin a comme projet d’en réaliser un pour couvrir chaque année de sa vie de Game Designer. Ainsi, les épisodes 1 et 2 couvriront l’année 2008 et 2009, mais j’attends surtout le quatrième, celui de 2011, dans lequel Perrin, plongé dans l’abyme, traitera de la réalisation de Making Video Games.