A game for two (windows)
Nicolai Troshinsky

 

Il est aujourd’hui possible de jouer sur Internet a un même jeu, avec des milliers d’autres personnes connectés aux quatre coins du monde si tant est qu’un globe a quatre coins. Évidemment que c’est génial, évidemment que c’est un progrès, mais l’industrie du jeu vidéo a le tort de se ruer sur chaque nouvelle technologie, et de croire tout ce qui a précédé obsolète.

 

Heureusement qu’il y a le jeu indépendant, avec moins de moyens, plus d’imagination, pour rendre leur lettres de noblesse aux technologies et genres plus anciens : Les aventures textuelles, la 2D, ou encore : le jeu pc multijoueur.

 

On peut comprendre que celui-ci se soit peu à peu éteint : l’ordinateur, avec son seul clavier, sa seule souris, ne permet pas aux joueurs de prendre leurs aises, comme le permettent les consoles, il ne permet aussi qu’un nombre de joueur très limité, du moins en simultané, deux s’imposant souvent comme un maximum.

 

Mais toute faiblesse peut se transformer en force, il suffit juste de trouver comment. En l’occurrence, le multijoueur sur pc créé entre les deux joueurs une certaine intimité : ils sont collés, serrés, se donnent des coup de coude accidentels, développent de manière forcée une certaine complicité. Voilà ce que le jeu doit exploiter.

 

 

Auntie Pixelante a montré l’exemple, avec son érotisant Mind Fuck, ont suivi le sensuel Mouse Hug et le fusionnel Siamese Enemies. C’est aujourd’hui à Troshinsky de tenter l’expérience.

 

A game for two est une histoire d’amour, pour deux, ce qui est suffisant. L’histoire d’un couple qui se rencontre, se trouve des points communs, s’unit et se construit une routine avant de finalement se trouver des divergences, et tout faire pour se séparer.

 

Il se joue au clavier, WASD, pour l’homme, flèches directionnelles pour la femme. Lors du premier acte, chacun devra copier les mouvements de l’aimé, en y ajoutant le sien à chaque étape, jusqu’à enchainer une série de 12 mouvements.

Dans le deuxième acte, les amants devront reproduire cette série simultanément, accumulant ainsi des points, jusqu’à ce que l’un des deux se trompe.

Le troisième acte enfin, reprend le principe du premier, si ce n’est que les amants (qui ne le sont plus) doivent reproduire les mouvements opposés…jusqu’à ce qu’enfin la colère et le ressenti s’effacent pour ne laisser place qu’à l’oubli.

 

Cette structure 1 acte=1 gameplay, déjà utilisée dans Siamese Enemies, Elude, me séduit particulièrement, et j’espère la voir se développer dans beaucoup d’autres jeux : Elle permet en effet une narration uniquement basée sur le gameplay, rendant toute indication textuelle superflue. Elle prouve ainsi que le jeu vidéo possède, comme l’indiquait Doris C. Rush, sa propre narration, et ses propres moyens de susciter l’émotion.

Ce n’est évidemment pas nouveau, je pense par exemple au jeu Le Roi Lion sur Supernes et Mégadrive, et à son brutal changement de gameplay pour le niveau « The Stampede » qui me traumatisait enfant (les gnous déferlent, le scrolling horizontal devient vertical). Mais dans ce cas précis, il ne s’agissait que de reproduire la narration d’un film, et cette narration via le gameplay n’était qu’accidentelle.

 

Je parle, je parle, et je m’éloigne du sujet : A game for two. Je n’ai même pas encore abordé ce qui le rend si singulier :

A game for two est le second jeu de Troshinsky s’inscrivant dans son projet de « jeux recyclés », c’est à dire utilisant du matériel préexistant. Alors que Loop Raccord utilisait des extraits audiovisuel, celui-ci se concentre sur la peinture (et sur la musique classique aussi, mais c’est moins original), tout en faisant taire les mauvaises langues : Si Troshinsky recycle pour ses graphismes, ce n’est pas parce qu’il ne sait pas dessiner.

 

Se mêlent donc aux dessins de l’auteur des extraits de peintures (et sculptures) célèbres que je ne m’amuserais pas à citer tant la culture en ce domaine est nulle. C’est bien dommage d’ailleurs, car j’aimerais vous dire comment les œuvres renaissantes du premier acte laissent la place aux peintures ténébreuses du dernier. Comment, peut-être, la narration d’A game for two s’enrichit d’une chronologie picturale. Comment la symbolique de ces choix est, peut-être, plus forte qu’on peut le croire.

Mais je ne peux pas. Vous devrez le découvrir par vous même.