Labyrinth (Windows/Mac/Linux)
Niallmoody

 

Si on arrêtait de toujours courir après la sortie, la ligne d’arrivée, la solution, et qu’on acceptait de se perdre un peu. On pourrait sortit, marcher dans les rues familières de notre ville pour en faire des étrangères, on pourrait aussi bien rester chez soi, et se perdre dans notre bibliothèque, sauter d’un livre à l’autre sans retenue, sans ne rien commencer et ne rien finir.

Sinon, on peut jouer à Labyrinth

 

 

Labyrinth se construit aléatoirement, superposant des phrases, des sons et des photographies. Au décor d’un Glasgow ensoleillé s’joutent donc des sentences, tirées de livres divers, allant de la sociologique (La Société du Spectacle) au Roman (Godmother : The Secret Cinderela Story), en pasant par la critique littéraire (The Gift), ainsi que des sirènes, chants d’enfants et guitares folk.

Vous imaginez ce que ces associations peuvent avoir du surprenant, comment un vol d’oiseaux, ou un mur gris peuvent influencer le texte qui leur tient la main. Comme des aboiements peuvent accentuer le vide d’une rue.

Le genre de constat qui me donne envie de prendre un album de Martine, d’en substituer les textes par ceux d’un Lovecraft, ou carrément, d’une nouvelle érotique, et de le lire en écoutant du Vivaldi.

Sortie de son contexte, chaque phrase s’auréole de mystère, tandis que les sons et photographies appuient cette impression en demeurant anormalement inhumaines : La seule occurrence d’un individu que j’ai pu relever était complètement floue, et les voix, parfois saisies au vol, demeurent incompréhensibles.

 

Ce parti-pris renvoie curieusement à Prosopamnesia, qui, rappelez-vous, se constituait d’une multitude de visages se superposant sans cesse, que l’on était contraints d’oublier.

Le phénomène est semblable ici puisqu’aucun retour en arrière n’est possible. Un imeuble dépassé trop vite, et vous n’aurez aucun moyen de vous retourner pour en apprécier une dernière fois les briques. Architecturamnesia.

 

Labyrinth se veut (ou s’aurait voulu) illustration de la société du spectacle de Guy Debord. N’ayant pas lu cet ouvrage il m’est difficile de juger de la réussite de cette entreprise, mais l’auteur avoue lui-même ne pas être certain d’en avoir bien saisi le sens. Je vous laisserais donc juge.

 

Comme tout labyrinthe, ce jeu dispose d’une sortie. Et la trouver ne sera pas chose facile car il vous faudra penser à l’encontre de vos réflèxes de joueurs. Mais au fond, pourquoi voudrait-on quitter ce Labyrinth?